Si le dirigeant séparatiste catalan Carles Puigdemont proclame, comme promis, l’indépendance de la région, ce mardi, s’ouvrira une période de grande incertitude en Espagne, plongée dans la plus grave crise politique depuis son retour à la démocratie il y a 40 ans. Voici les scénarios possibles.
« Je déclare la Catalogne indépendante ». Si le dirigeant catalan Carles Puigdemont proclame, comme promis, l’indépendance de la région, ce mardi, que peut-il, que va-t-il se passer ? Toute déclaration d’indépendance sera aussitôt rejetée par le gouvernement central de Madrid. La Catalogne elle-même est profondément divisée sur la question. Les conséquences immédiates d’une proclamation restent incertaines et plusieurs scénarios sont possibles.
Négociations improbables
Plutôt que de proclamer immédiatement l’indépendance de la Catalogne après le référendum du 1er octobre, Carles Puigdemont a préféré jusqu’à maintenant jouer la montre en réclamant une « médiation internationale ».
Ses demandes n’ont trouvé écho ni auprès du gouvernement, qui refuse d’être traité d’égal à égal avec M. Puigdemont, ni auprès des instances européennes, solidaires de Madrid.
Mais il pourrait choisir de déclarer l’indépendance de manière « symbolique », avec une mise en œuvre différée, pour ne pas perdre la face et laisser une place à un dialogue.
Mariano Rajoy a cependant exigé comme préalable à toute discussion que les séparatistes abandonnent leur projet d’indépendance.
Si M. Puigdemont, malgré l’énorme pression qui pèse sur ses épaules, décide d’aller de l’avant, la feuille de route des séparatistes prévoit une série de mesures législatives dont l’adoption pourrait prendre des mois.
La déclaration d’indépendance ouvre une période de transition durant laquelle la « République » se dote de ses propres lois et institutions.
Suspension de l’autonomie
En cas de déclaration d’indépendance, le gouvernement envisage de retirer à la Catalogne son autonomie. Cette mesure a un immense poids symbolique et historique, dans ce pays très décentralisé où l’autonomie (pour gérer l’enseignement, la culture, la santé…) des régions est sacro-sainte.
Pour la Catalogne c’est remonter aux soubresauts des années 1930 quand, en 1934, le gouvernement de la II République espagnole supprima l’autonomie des Catalans pour riposter à la « proclamation d’un État catalan dans la république fédérale d’Espagne ».
Après la guerre civile de 1936-39, le très centralisateur dictateur Francisco Franco (1939-1975) avait en outre mené une très dure répression en Catalogne.
La Constitution espagnole permet cette mesure en cas de grave atteinte « à l’intérêt général de l’État ». L’article qui permet de le faire, le « 155 », a souvent été présenté comme un dernier recours et comporte le risque d’enflammer encore un peu plus les passions en Catalogne.
Toutefois elle peut être longue et compliquée à mettre en œuvre : doit-on remplacer les policiers régionaux ? Comment regagner leur loyauté ? Comment réagira la population, pour moitié indépendantiste ?
Arrestations
La réaction de l’État espagnol à toute déclaration d’indépendance a de fortes chances de déclencher des manifestations massives en Catalogne comme après l’arrestation de 14 hauts fonctionnaires catalans les 20 et 21 septembre à Barcelone.
Le référendum ayant été interdit, toute fuite en avant pourrait également conduire à l’arrestation des principaux champions de l’indépendance, à commencer par M. Puigdemont.
L’ancien journaliste a d’ores et déjà annoncé qu’il n’avait pas peur d’aller en prison. Dans la rue, on peut craindre des troubles, notamment en cas d’agitation réprimée durement par la police, comme le 1er octobre lors du référendum d’autodétermination où les scènes montrant des policiers dépêchés de Madrid matraquant des Catalans pacifiques ont choqué l’opinion.
« Toute tentative de l’État de démanteler le gouvernement régional et le parlement catalan conduire probablement à davantage de manifestations et de violences », prédit Federico Santi, analyste d’Eurasia Group.