Les autorités de la zone encore économiquement « virtuelle » d’Afrique n’en démordent pas avec leur vieux rêve de voir le dossier de la libre circulation des personnes et des biens aboutir. Cette garantie à souhait doit cependant être acceptée par le Gabon et la Guinée-équatoriale qui depuis toujours retardent ce processus faute de garanties suffisantes.
Le rêve de parvenir à la mise en place un espace intégré se traduisant par la libre circulation des personnes et des biens au sein de l’espace communautaire Cémac date des années 90. Vingt-trois ans après, le statu quo demeure. « Cette perspective demeure loin de portée, car la CEMAC ne constitue pas à proprement parler une zone de libre-échange ni une union douanière, encore moins un marché commun, conformément aux étapes de la théorie de l’intégration économique régionale (Balassa, 1961) », estime l’expert Serge Loungou.
La peur du Gabon et de la Guinée-équatoriale d’être envahi au profit des pays plus peuplés comme le Cameroun, le Congo ou encore le Tchad retarde le processus d’intégration économique. Le refus de ces Etats de renoncer subsidiairement à cette initiative s’est au fil des débats traduit par la peur de l’invasion démographique, la spoliation économique et la perversion sociale associée à la délinquance d’origine étrangère. Alors que le retard de la mise en place de ce processus est perçu comme une faiblesse du développement de l’économie sous régionale, les autorités de la Cemac n’en démordent, cependant pas avec leur rêve de voir se réaliser cette politique tant souhaitée.
Tout semble montrer que le Cameroun, le Congo, le Tchad et la RCA sont disposés à expérimenter cette politique. En août dernier, le Tchad a fait le premier pas dans la mise en place de cette politique en libéralisant ces frontières à « tout ressortissant de l‘un des Etats membres, Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon et Guinée équatoriale, détenteur d’une pièce d’identité sécurisée (passeport ou carte d’identité) en cours de validité (…et non) soumis à l’obligation de visa d’entrée ou d’autorisation de sortie pour tout séjour ne dépassant pas trois mois ».
Cette décision n’a malheureusement pas été un catalyseur. Qu’il s’agisse des Etats réticents comme le Gabon et la Guinée équatoriale ou ceux non réticents, chacun observe l’évolution de cette décision avec méfiance.
Le Gabon et la Guinée équatoriale l’index
Si les tractations persistent pour convaincre les pays de la nécessité de cette politique, la question au regard du déclin de l’économie sous régionale demeure une préoccupation d’intégration urgente. Pour Gilbert Ondongo, Président du Comité de pilotage du programme des réformes économiques et financières de la Cemac, il n’est plus question de tergiverser sur ce processus. Si les deux pays ne s’accordent à respecter leurs engagements, des sanctions leurs seront infligées. Dans ce sens, le Comité « recommande à la Commission de la Cémac de réfléchir sur la nature et les modalités d’application des sanctions à infliger aux Etats membres ne se conformant pas à cette décision des chefs d’Etats ».
L’application de cette « décision » unilatéralement formulée par les Etats membres de la communauté qui date de février 2017 sous entend de rendre effectif, la circulation sans visa à l’intérieur du territoire communautaire à condition d’être muni d’une carte d’identité biométrique ou d’un passeport de même caractéristique. Il est cependant ici important de reconnaître que depuis l’engouement dans les années 90 autour de cette question, c’est la première fois que le Comité de pilotage s’attèle à contraindre l’application de cette décision aux pays membres. Même si ces derniers semblent proches du bout du tunnel d’une véritable mise en place de la politique d’intégration régionale, la question de la protection territoriale de tout débordement restera un enjeu non négligeable auquel les Etats comme le Gabon et le Guinée-équatoriale voudront à tout prix des garanties.
Michaël Moukouangui Moukala