Le port d’Owendo, inauguré ce samedi 14 octobre, offre une « nouvelle porte maritime » au Gabon et va « accélérer les échanges et générer une économie de plusieurs milliards par an », promet le chef de l’État. Opérationnel depuis juin, le port entièrement rénové a finalement été lancé après un bras de fer tendu entre l’État, Bolloré Transport & Logistics et Olam Gabon.
Le nouveau terminal portuaire d’Owendo, au Gabon, serait-il bénit des dieux ? Alors que des trombes d’eau se sont abattues sur le pays ces derniers jours, les festivités pour l’inauguration du port, programmées au soir du samedi 14 octobre, se sont déroulées sous un ciel clément. Les autorités gabonaises avaient pris toutes les précautions, la veille, en organisant une cérémonie rituelle, censée convoquer les esprits bienfaisants de la forêt et de l’estuaire.
L’enjeu est de taille pour le Gabon, qui dispose enfin d’une porte maritime digne de ce nom, « capable d’améliorer la compétitivité économique du pays et, surtout, d’abaisser le coût des biens importés », a insisté Ali Bongo Ondimba, le président gabonais, dans son discours inaugural.
Plusieurs mois de brouille entre Bolloré et Olam
C’est lui qui a coupé le ruban, entouré de Gagan Gupta, le président d’Olam Gabon, véritable initiateur du projet, et de Cyrille Bolloré, le PDG de Bolloré Transport & Logistics. Comme un symbole de la paix retrouvée entre le groupe singapourien et l’industriel français, après plusieurs mois de brouille autour de la gestion de ce terminal.
A l’origine du litige, une convention de concession signée en 2007 entre l’État gabonais et le groupe Bolloré, qui accordait à ce dernier l’exclusivité de l’aménagement et de la gestion du port d’Owendo, pour une durée de 20 ans. À l’opérateur français de « dynamiser l’exploitation du port, tout en pratiquant des prix compétitifs », selon le document signé par les différents partis.
Autant d’engagements que n’aurait pas respectés le logisticien, accusé par les autorités de Libreville de n’avoir pas réalisé les investissements promis et de pratiquer des tarifs portuaires bien plus élevés que partout ailleurs dans la sous-région.
L’accord passé en 2014 entre le Gabon et un second opérateur, la Gabon Special Economic Zone (GSEZ) – filiale détenue à 40,5 % par Olam – ouvre les hostilités, le groupe Bolloré estimant que les pouvoirs publics gabonais n’avaient alors pas respecté les termes de l’accord. Le groupe français les menace même de poursuite devant le Centre international de règlements des différents relatifs aux investissements (Cirdi), basé à Paris.
Il faut attendre le mois de septembre pour qu’un accord soit signé entre Gagan Gupta, le représentant d’Olam au Gabon et Philippe Labonne, le « Monsieur Afrique » de Bolloré, en présence du président Bongo. Le détail des négociations n’a pas été communiqué, mais la gestion du terminal reste entre les mains du Singapourien, qui concède l’ensemble des activités conteneurisées à son nouveau partenaire français, le tout sous l’œil vigilant de l’État gabonais, actionnaire à hauteur de 38,5 % dans la GSEZ.
Pour sceller cette entente cordiale, aux intérêts bien compris par chacun, Olam et sa filiale gabonaise ont mis les petits plats dans les grands au moment de dévoiler le New Owendo International Port (NOIP).
Symbole de l’espoir d’une nouvelle relance
Bien sûr, Vincent Bolloré et Jean-Yves Le Drian, annoncés par la rumeur tout au long de l’après-midi, n’ont au final pas fait le déplacement. Mais le spectacle offert par le Singapourien, était bien à la hauteur de l’événement et surtout de l’enjeu pour une économie gabonaise à nouveau sous perfusion du FMI ces derniers mois. Plus encore que le port, le feu d’artifice grandiose, tiré en clôture de la cérémonie, semblait avoir pour vocation d’inaugurer une véritable relance de l’économie gabonaise, avec le NOIP comme pierre angulaire.
Situé à 18 kilomètres au sud de Libreville, et opérationnel depuis juin, le nouveau port a été entièrement gagné sur la baie, à quelques encablures seulement des quais historiques d’Owendo, ouverts en 1974, et du terminal minéralier inauguré en 2016 par GSEZ.
Cette nouvelle porte maritime va générer une économie de plusieurs milliards qui sera répercutée sur les prix proposés aux consommateurs
Construit en un temps record de 18 mois, le NOIP dispose d’un linéaire de quai de 420 mètres, équipé de deux portiques et de deux grues mobiles, avec deux postes à quais, dragués à une profondeur de 13 mètres, pour recevoir des navires de classe Panamax.
Ses dix-huit hectares de terre-pleins permettent de stocker chaque année 150 000 conteneurs ainsi que trois millions de tonnes de vrac solide. Il abrite également quatre silos à grains et sept citernes de stockage pour l’huile de palme.
181 milliards de francs CFA investis
Le tout pour un investissement de 181 milliards de francs CFA (276 millions d’euros), entièrement déboursés par Olam, dans le cadre d’un Partenariat public privé (PPP) avec l’État gabonais. Une deuxième phase a déjà démarré pour porter la longueur de quai à 720 mètres, dont 300 réservés à l’usage exclusif des trafics conteneurisés opérés par Bolloré Transport & Logistics.
Avec son nouveau port, le Gabon espère se replacer sur la carte maritime du golfe de Guinée, où règne une sévère concurrence ces dernières années. Pour cela, le NOIP veut proposer des temps d’escale raccourcis de 25 %, pour des tarifs portuaires inférieurs de 30 à 40 % à ce qu’ils étaient jusqu’alors.
Le gouvernement gabonais voit dans ce nouvel équipement un outil pour lutter contre la vie chère. « Cette nouvelle porte maritime va accélérer les échanges et générer une économie de plusieurs milliards par an qui sera répercutée, in fine, sur les prix proposés aux consommateurs. Nous y veillerons », a promis Ali Bongo Ondimba, pour clore son discours.
Par Olivier Caslin – Envoyé spécial à Libreville