La rédaction du projet de réforme de la Constitution de la République gabonaise, tant attendu depuis le Dialogue avec l’opposition appelé par le Président Ali BONGO ONDIMBA semble avoir été finalisée. En voici un rapide aperçu.
Avant toute chose, nous vous proposons un rapide rappel de l’origine du Régime présidentiel fort existant jusqu’à ce jour au Gabon.
En 1958, le PDG de Léon Mba et l’USDG de Jean-Hilaire Obame permettent au « oui » de l’emporter au référendum proposé par le Général de Gaulle aux territoires de l’Union française en vue de leur indépendance. L’assemblée territoriale du Gabon devient alors Assemblée législative et la première Constitution de la République gabonaise est adoptée le 19 février 1959.
En 1960, Léon Mba signe les accords de l’Indépendance en qualité de chef de gouvernement, indépendance officiellement déclarée le 17 août 1960.
Presqu’aussitôt, des conflits apparaissent entre les leaders politiques de l’époque s’agissant du choix du régime politique à adopter :
– Léon Mba, chef du Gouvernement, défend un Régime présidentiel fort ;
– Paul Gondjout, Président de l’Assemblée Nationale, défend un Régime parlementaire ;
– Jean-Hilaire Obame, défend un Régime parlementaire rationalisé.
En novembre 1960, une Constitution mettant en place un régime parlementaire au Gabon est adoptée par l’Assemblée Nationale et une motion de censure contre le gouvernement est préparée. En représailles, Léon Mba fait arrêter Paul Gondjout, Président de l’Assemblée Nationale et met en place un Régime présidentiel fort avec un Vice-Président qui sera la base de la Constitution adoptée le 21 février 1961. Léon Mba passe ainsi de Premier Ministre chef de l’Etat à Président de la République.
Lorsque Léon Mba doit quitter le Gabon en 1966 pour raisons de santé, les relents du coup d’Etat de 1964 perpétré par Jean Hilaire Obame le pousse à désigner Albert Bernard Bongo Vice président du gouvernement puis à encourager une révision de la Constitution en 1967 afin d’introduire un Vice-président de la République qui devient le successeur automatique du Président de la République. Le décor était planté : la République gabonaise avait adopté un régime Présidentiel.
En 1990, le président Bongo est tenu d’accepter la mise en place du multipartisme. La quatrième Constitution a ainsi été promulguée le 26 mars 1991, instituant un Régime parlementaire dans lequel le pouvoir exécutif est partagé entre le Président de la République, chef de l’État, et le Premier ministre, chef du gouvernement. Le pouvoir législatif quant à lui est partagé entre les deux chambres du parlement.
Qu’entend on par régime présidentiel ?
Les régimes présidentiel, parlementaire ou parlementaire rationalisé sont définis selon le principe de la séparation des pouvoirs. On peut envisager une séparation stricte dans laquelle les pouvoirs législatifs et exécutifs ont des compétences et des champs d’action distincts, mais exercent l’un sur l’autre une influence réciproque ou une séparation souple (régime parlementaire) dans le cadre de laquelle chaque pouvoir est enfermé dans des compétences et un champ d’action déterminés, sans pouvoir influencer l’autre.
Il est généralement accepté que le régime présidentiel se caractérise par l’indépendance réciproque des pouvoirs, les pouvoirs exécutif et législatif agissant chacun dans leur sphère de compétence et ne pouvant remettre en cause les actions ou l’existence de l’autre.
Dans tout régime présidentiel, le pouvoir est concentré entre les mains du président qui est chef de l’Etat et du gouvernement, titulaire exclusif du pouvoir exécutif, disposant de la plénitude de ce pouvoir. Il compose un gouvernement responsable seulement devant lui (à la différence du régime parlementaire dans le cadre duquel les membres du gouvernement sont responsables devant les représentants du pouvoir législatifs).
Le projet de révision de la Constitution : maintien du régime parlementaire ou retour au régime présidentiel ?
Dans le contexte politique tendu au Gabon, un compromis entre l’opposition et la majorité semblait nécessaire afin de permettre à chaque parti d’influer sur les décisions de l’autre et sur la vie politique gabonaise.
En effet, le régime parlementaire inscrit dans la Constitution était de plus en plus présidentiel dans les faits.
D’aucuns s’attendent donc, à juste titre, à un projet de révision ayant pour objectif de s’assurer de la réduction du pouvoir important du Président de la république et de laisser de la place au parti de l’opposition. Certaines propositions du Dialogue allaient supposées être intégrées à la réforme envisagée, d’ailleurs, en ce sens.
Les principales innovations du projet de réforme sont les suivantes :
– Article 4 al. 1 : scrutin à deux (2) tours pour les élections présidentielles et législatives
– Article 4 al. 2 : sont éligibles tous les gabonais des deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus, jouissant de leurs droits civils et politiques.
– Article 8 : Le Président de la République détermine a politique de la Nation. En cas de changement de majorité à l’Assemblée Nationale, la politique de la Nation est déterminée par le Président de la République en concertation avec le Gouvernement. Le Président de la République est le détenteur suprême du pouvoir exécutif.
– Article 28 : le gouvernement perd la possibilité de gouverner sur la base de sa majorité parlementaire en cas de cohabitation dés lors que « En cas de changement de majorité à l’Assemblée Nationale, Ia politique de la Nation est conduite par le Gouvernement en concertation avec le Président de la République ».
– Article 35 : les députés et sénateurs verraient leurs mandats fixés à cinq (5) ans renouvelables.
– Article 47 : possibilité pour le pouvoir exécutif d’organiser la justice par ordonnance (élargissement du domaine de compétence de l’exécutif).
– Article 61 : le contrôle du Parlement est limité au gouvernement et ne s’applique pas à l’ensemble de l’exécutif. Le Président de la République n’est donc pas concerné.
Viennent ensuite les modifications diverses des règles relatives à la Haute Cour de Justice, la Cour de Justice de la République, la Cour Constitutionnelle et le Conseil Economique, Social et Environnemental.
Nous vous proposons de vous présenter de façon plus détaillée les modifications envisagée au fil de plusieurs articles à paraître.