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Affaire Jean Christophe Owono Nguema : Entre droit et harcèlement politique

Créée par le gouvernement en vertu de la convocation émise par la direction générale des recherches (DGR) au sénateur la semaine dernière, l’affaire Owono Nguema s’enlise désormais dans une interprétation controversée du droit, notamment de l’article 38 de la Constitution. Ce qui évidemment donne des arguments à l’opposition qui dénonce un harcèlement politique du pouvoir, décidé à bâillonner et traquer sans relâche les opposants jusque dans leurs derniers retranchements.

Jean Christophe Owono Nguema, 6e vice-président du Sénat était, lors de son séjour à Paris, l’invité du journal Afrique de TV5 MONDE, le 19 octobre dernier. Au cours de ce passage, le Sénateur qui dénonce le projet de révision constitutionnelle adopté en septembre dernier par le gouvernement gabonais, avait appelé les Gabonais à se lever pour défendre leur Constitution. Un appel qui n’a pas manqué de provoquer le courroux du pouvoir, au point que la section anti-criminalité de la direction générale des recherches lui a remis une convocation pour affaire le concernant. Ce à quoi, le parlementaire refuse d’obtempérer, faisant valoir son immunité parlementaire garantie par l’article 38 de la constitution. Lequel article stipule qu’ « aucun membre du parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». Le même article poursuit : « Tout parlementaire ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi, recherché ou arrêté en matière criminelle, correctionnelle ou de simple police qu’avec l’autorisation du bureau de la chambre intéressée, sauf en cas de flagrant délit ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un membre du parlement est suspendue jusqu’à la fin de son mandat, sauf en cas de levée de l’immunité parlementaire ».

La levée de l’immunité parlementaire, c’est justement ce dont la DGR a décidé de faire fi, alors que la procédure aurait dû commencer par là, au moins pour la forme.

Quid du flagrant délit ?

Flagrant délit, c’est justement ce que fait valoir le procureur de la république près le tribunal de Libreville, Steve Ndong Essame Ndong, qui soutient mordicus qu’en appelant le peuple gabonais à défendre sa Constitution, Jean Christophe Owono Nguema vise là la déstabilisation des institutions du pays. Mauvaise interprétation du droit, répond le sénateur qui renvoie le procureur à ses chères études de droit. Pour Owono Nguema, il n’est nullement de la compétence du procureur de la République de le convoquer ou de le faire convoquer, la loi ne le lui autorisant pas.

Au-delà de cette interprétation querellée du droit, il s’agit pour l’opposition, d’un harcèlement du pouvoir décidé à court-circuiter toute manifestation de l’opposition, alors même que la Constitution gabonaise reconnaît le principe de la liberté d’expression. C’est du moins ce que pense Jean Eyeghe Ndong, président du groupe parlementaire le ‘’Front uni’’, qui s’interroge sur la flagrance en la matière, brandie par le régime en place. Sans être spécialiste du droit, on ne peut cependant pas manquer de s’interroger sur la définition juridique même de la flagrance et la peine encourue par ceux à qui elle est imputable.

Au fond, outre cette violation avérée ou supposée de l’immunité parlementaire d’Owono Nguema, le pouvoir gabonais qui suit certainement avec une attention inquiétante, les évolutions de la crise togolaise en matière justement de Constitution, devient systématiquement susceptible pour toute contestation de ce type. Et la susceptibilité est si justifiée que le sénateur a demandé aux Gabonais de défendre leur Constitution comme le fond les Togolais depuis bientôt deux mois. Comparaison inacceptable pour le gouvernement voulant à tout prix faire passer les recommandations du dialogue d’Angondje. Va-t-il franchir le Rubicon en allant cueillir le sénateur qui refuse d’obéir dans son bureau, ou va-t-il simplement se rétracter au nom du respect de l’immunité dont jouit Owono Nguema ? Question qui vaut son pesant d’or…

Charles Nestor NKANY

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