Sevré des gyrophares, de l’escorte ministérielle, de la voiture de commandement, des tapis rouge et portes capitonnées des cabinets ministériels et des palais de la République, Mathieu Mboumba Nziengui, président de l’UPG, vient de rétrograder Jean-Olivier Koumba Mboumba. Le grand et beau parti de Pierre Mamboundou est en lambeaux. S’il lui reste encore quelques élus locaux, il n’a plus de député ni de maire de commune. C’est le résultat de 6 ans de leadership égocentrique.
Rétrogradé du poste de Secrétaire général à celui de Secrétaire politique, Jean-Olivier Koumba Mboumba affirme, dans une interview au quotidien L’Union le lundi 30 octobre, avoir saisi la Commission d’éthique de l’Union du peuple gabonais (UPG) en vue d’un examen de la décision de Mathieu Mboumba Nziengui, le président de l’UPG. En interne, la décision passe en tout cas mal. Ceux qui ont quitté Awendjé il y a quelque temps sont sortis renforcés de cette séquence. Ils disent avoir la preuve que le diviseur des troupes orphelines de Pierre Mamboundou est l’actuel président du parti.
En fait, ce qui se passe actuellement à Awendjé, siège de l’UPG, est l’expression des dysfonctionnements y ayant cours depuis le «départ» de Pierre Mamboundou. Ses successeurs n’ont pas su maintenir la flamme. La succession ne s’est pas faite sans heurts. Le désordre et l’idéologie du «chacun pour soi» se sont installés. Et ils ont infecté le fonctionnement du parti. Trop de divisions, trop de luttes intestines, trop de luttes d’influence en son sein, trop de querelles de personnes. L’affrontement public que se livrent le président du parti et son ancien (ou toujours) Secrétaire général est la preuve de cette descente aux enfers. Fragilisée, l’UPG vit dans l’instabilité permanente depuis six ans, et sa cohésion s’est fortement érodée.
Au centre de la «casse» historique de ce parti politique jadis des plus en vue, au centre des tempêtes que traverse régulièrement ce parti se trouve Mathieu Mboumba Nziengui, «l’héritier» autoproclamé, mais aussi le briseur de rêves (de ceux qui pensaient voir le parti devenir encore plus grand), le reconstructeur dévoyé ; en un mot, le plus grand commun diviseur de l’Union du peuple gabonais ! Au lieu d’implanter le parti dans les zones où il n’est pas représenté, au lieu de mettre en place des stratégies devant le revitaliser, il s’est attelé à ne faire que la guerre. La guerre à ceux qui souhaitaient que le parti grandisse. La guerre à ceux qui l’ont contredit sur certains aspects de sa gouvernance…
«Mauvais chef», «chefaillon incapable de rassembler»…
En tout cas, les proches de Jean-Olivier Koumba Mboumba le qualifient de «mauvais chef», de «chefaillon incapable de tenir les troupes et de rassembler». Mathieu Mboumba Nziengui et Jean-Olivier Koumba Mboumba avaient pourtant combattu ensemble d’autres hiérarques qui voulaient donner de la voix.
Mboumba Nziengui vient de rétrograder son Secrétaire général, Jean-Olivier Koumba Mboumba, ancien ministre, au rang de Secrétaire politique, pour «négligence». Le feu couvait sous la cendre depuis le 2 octobre 2016, date de l’éviction de Mboumba Nziengui du gouvernement. Une éviction qu’il n’a pas du tout apprécié, après seulement 12 mois de présence dans l’équipe gouvernementale. Fini les gyrophares, l’escorte ministérielle à plusieurs véhicules placés à l’avant et à l’arrière de la voiture de commandement, le tapis rouge et les portes capitonnées des cabinets ministériels et des palais de la République. Sa colère était d’autant plus vive qu’il n’avait pas été prévenu de ce limogeage sec, et même de la promotion qu’allait recevoir son plus proche collaborateur au sein du parti : Jean-Olivier Koumba Mboumba est nommé ministre délégué à la Culture, le jour même de l’éviction de son «patron». Dès lors, les deux personnalités ont alors démarré le processus de leur divorce, d’abord marqué par une «séparation de corps». Depuis quelques semaines, «ils étalent au grand jour leur adversité jusque-là étouffée». Le lundi 30 octobre, dans l’interview sus citée au quotidien L’Union, Jean-Olivier Koumba Mboumba affirme avoir saisi la Commission d’éthique de l’UPG afin qu’elle rende un arbitrage sur la décision de Mboumba Nziengui de le rétrograder dans les instances dirigeantes du parti.
«C’est Mboumba Nziengui le problème de l’UPG», dit-on sous cape à Awendjé
Six ans après la disparition de son fondateur, l’UPG a déjà connu trois scissions qui ont valu à ce parti la création de trois autres chapelles se réclamant de Pierre Mamboundou : l’UPGL de David Mbadinga, l’UPG Jean de Dieu Moukagni Iwangou devenue récemment Les Upégistes Solidaires (LUS) et l’UPG-ACR de Bruno Ben Moubamba. Il est même à craindre que Jean-Olivier Koumba Mboumba en vienne à créer la sienne.
A chaque scission, c’est l’autoritarisme, l’intransigeance, l’intolérance et l’hégémonisme de Mathieu Mboumba Nziengui qui sont décriés ! «L’héritier» et successeur de Pierre Mamboundou est, en effet, pour de nombreux militants et sympathisants, celui par qui la désagrégation continue de l’UPG est arrivée. Mauvaise ambiance au sein du parti, suspicion généralisée, climat délétère, décisions arbitraires et maladroites, frustrations diverses et variées – tel est le lot des maux qui minent le parti. Des mots et des maux que l’on impute à l’éphémère ministre d’Etat chargé de l’Agriculture et de la mise en œuvre du Programme Graine.
Selon une ancienne hiérarque de l’UPG du temps de Pierre Mamboundou, «Mathieu Mboumba Nziengui est au centre de toutes les intrigues, de tous les complots internes. Ajouté à ceux-ci une gouvernance financière approximative. Où va l’argent du parti ? Mathieu Mboumba Nziengui est aujourd’hui considéré, par de nombreux cadres et militants du parti, comme celui par qui viendra la mort de l’UPG. Depuis six ans, le parti n’a plus ni député (élections législatives 2011), ni un maire de commune (élections locales 2013). Il compte encore quelques élus locaux (conseillers municipaux à Ndendé et Port-Gentil, conseillers départementaux dans La Dola), mais peu à peu, l’UPG est en train de se dissoudre dans l’opinion. La mort de Pierre Mamboundou, doublée du mauvais climat entretenu par Mathieu Mboumba Nziengui, est la cause principale de cette faillite des «héritiers» autoproclamés ou non. Comme les institutions, les partis politiques ne valent que par l’usage que l’on en fait. Même dans ses fiefs historiques dans le «Pays Punu» (Ngounié-Nyanga), l’UPG s’est fait laminer dans les urnes», lors de tous les scrutins qui se sont déroulés depuis la mort de son leader charismatique, par le PDG et les nouvelles forces politiques.
L’UPG va-t-elle disparaître ?
«C’est Mboumba Nziengui qui est le problème de l’UPG», reconnaît-on à Awendjé. «Après la mort de Pierre Mamboundou, les écueils et les défis qui attendaient l’UPG étaient considérables. Il fallait donc à sa tête une personnalité pouvant donner une impulsion nouvelle et mettre le parti sur orbite. Mais cette période de transition a été visiblement mal négociée. Elle pourrait donc sonner le glas des espoirs d’un fonctionnement harmonieux. Mathieu Mboumba Nziengui a négocié la présence du parti au gouvernement sans mettre en exergue la cohésion du parti. Voilà qui pose légitimement la question de son héritage politique. Une transition pacifique et démocratique devait avoir lieu, mais pour cette transition, cela supposait des règles, des mécanismes de décision transparents et des instances capables de fonctionner et d’impulser la vitalité. Mathieu Mboumba Nziengui n’a pas su être le leader qu’il fallait», souligne un Sociologue enseignant à l’Université Omar Bongo. Six ans après la disparition de Pierre Mamboundou, l’UPG va-t-elle mourir à son tour ? Trop de divisions, trop de luttes intestines, trop de querelles de personnes, et il n’y a personne pour recoller les morceaux, pour ramener la paix et la sérénité. L’UPG va-t-elle disparaître ?
En tout cas, après six ans à la tête de l’Union du peuple Gabonais, «il est peut-être arrivé le temps pour Mboumba Nziengui de passer le flambeau à quelqu’un d’autre… qui imprimerait plus de dynamisme, qui associerait l’ensemble des compétences, qui rassemblerait autour de lui toutes les bonnes âmes» pour la sauvegarde de l’unité et, surtout, pour la survie de l’UPG.