Régis Immongault Tatangani, ministre gabonais de l’Économie, de la Prospective et de la Programmation du développement a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Le 13 octobre, Fitch a dégradé la note du Gabon, arguant du fait que certaines conditions d’application demandées par le FMI ne pourraient peut-être pas être remplies. Qu’est-ce que cela signifie ?
Régis Immongault Tatangani : Je ne sais pas. Le FMI a clairement indiqué que le Gabon devait appliquer les mesures que le pays avait lui-même arrêtées et définies dans le Plan de relance de l’économie 2017-2019 (PRE). Les réformes ont été lancées, concernant la viabilité des finances publiques et la réduction de la dette, l’attractivité du pays et la diversification de son économie autour de secteurs de croissance identifiés. Peut-être les experts de Fitch estiment-ils que l’accumulation d’autant d’arriérés, internes et externes, pose problème.
Quel est le taux d’endettement actuel du pays ?
Il est aujourd’hui à 64 % du PIB. Bien sûr il est élevé, mais nous avons pris l’engagement de payer nos créanciers avant la fin de cette année. C’est à cela que vont servir les aides budgétaires accordées par les bailleurs de fonds.
Les créances intérieures sont la priorité, car en injectant de l’argent dans notre économie, nous lui redonnerons de l’oxygène
La priorité de l’État est donc de se débarrasser de ses dettes ?
Plus particulièrement de nos créances intérieures, car en injectant de l’argent dans notre économie, nous lui redonnerons de l’oxygène, tout en renforçant la crédibilité de la signature de l’État.
Et à plus long terme, quelles sont les réformes que le gouvernement doit impérativement lancer ?
Nous devons mieux contrôler nos finances publiques, tout en améliorant la mobilisation de nos recettes budgétaires. Nous voulons notamment créer, en 2019, un Office gabonais des recettes qui regroupera les services douaniers et fiscaux. Nous devons également faire des choix pertinents en matière d’investissements, avec un budget réduit qui nous oblige à nous concentrer sur des projets dont la rentabilité économique et sociale est avérée. Nous devons pour cela nous associer avec le secteur privé, dans le cadre de partenariats public-privé.
Mais le Gabon est encore très loin dans le classement « Doing Business », et le gel annoncé par Bouygues de certaines de ses activités gabonaises ne semble pas être un bon signe envoyé aux investisseurs…
Les fonds que nous allons injecter vont justement servir à leur redonner confiance. Nous devons encourager l’initiative privée, sur laquelle est bâtie notre économie. Nous avons commencé à prendre les mesures nécessaires pour améliorer notre position dans le « Doing Business ».
Et j’espère que, dès cette année, nous enregistrerons une avancée significative, notamment grâce à la modernisation de notre administration. Nous devons veiller à l’efficacité de nos services, avec l’obligation de contenir une masse salariale qui pèse encore trop lourd dans notre budget. La dématérialisation en marche de certains de nos services doit nous aider à y arriver.
Il y a urgence à diversifier nos sources de revenus
L’exemple des partenariats signés avec Olam depuis 2010 est-il celui que souhaite suivre le Gabon ?
Exactement, notamment dans les infrastructures, portuaires comme cela vient d’être fait, mais également routières ou énergétiques, à propos desquelles nous avons déjà reçu de nombreuses manifestations d’intérêt. Idem dans le secteur des services. L’exemple de la Zone économique spéciale (ZES), détenue par Olam et par l’État gabonais, a déjà permis de transformer le secteur forestier, et elle le fera très prochainement avec celui de l’huile de palme. Le secteur pétrolier pèse encore 85 % de nos recettes d’exportation. Il y a urgence à diversifier nos sources de revenus.
D’ici à la fin de 2019, nous devrions être sortis d’affaire
Quand attendez-vous une sortie durable de cette crise ?
La croissance devrait demeurer limitée cette année, le temps d’injecter les fonds dont nous disposerons. Compte tenu de la brutalité du choc que nous avons encaissé depuis 2014, il faut au minimum entre trois et cinq ans pour rééquilibrer la situation. Je pense que, d’ici à la fin de 2019, nous devrions être sortis d’affaire.