Incendiée par des manifestants le 31 août septembre 2016, l’Assemblée nationale gabonaise a gardé intactes les stigmates de ses «brûlures» : l’hémicycle complètement détruit par les flammes, une partie du rez-de-chaussée inexploitable, vitres de façade explosées, etc. Le «financement concerté» voulu par les Chinois, qui «sont prêts», tarde à se matérialiser côté gabonais.
Septembre 2016 : Épave d’un véhicule calciné devant l’Assemblée saccagée et incendiée lors des violences post-électorales nées de la réélection contestée d’Ali Bongo. © Reuters
Plus de 15 mois après l’incendie de la première chambre du Parlement, les autorités compétentes ne semblent pas pressées de «rhabiller» le Palais Léon-Mba. En dépit de quelques frémissements en décembre 2016 et en septembre 2017, la question de la réhabilitation de l’Assemblée nationale semble demeurer entière…
«J’espère qu’avec les efforts des deux côtés, on pourra réaliser les travaux de réfection dans les meilleurs délais», avait indiqué Hu Changchu, ambassadeur de Chine au Gabon, lors d’un entretien, le 26 septembre 2017, avec Richard Auguste Onouviet, le président de l’Assemblée nationale. Mettant à profit cette entrevue, l’ambassadeur de Chine avait présenté à son interlocuteur les responsables d’une équipe de 14 experts chinois venus à Libreville en vue d’entamer l’étude de faisabilité d’une réhabilitation de l’hémicycle. Ces techniciens s’étaient d’ailleurs rapidement mis à pied d’oeuvre.
La visite des experts chinois intervenait neuf mois après la visite officielle, les 7 et 8 décembre 2016, du chef de l’État gabonais à Beijing en Chine. A cette occasion, les deux parties avaient signé un accord portant réfection de l’édifice détruit lors des violences post-électorales du 1er septembre 2016, après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Pacôme Moubelet-Boubéya. Le Gabon était donc demandeur.
Le Gabon demandeur, mais…
Selon des indiscrétions de certains députés le concèdant en off, «on ne comprend que le dialogue politique et d’autres opérations spectaculaires aient été financés en milliards de francs, et que l’on n’ait pas trouvé un copeck pour l’Assemblée ; au risque de pécher par corporatisme, nous pensons qu’il était plus important de commencer par l’Assemblée nationale». Ces sources avancent que «les efforts n’ont pas été faits des deux côtés, c’est en effet la partie gabonaise qui n’a pas encore réagi», alors que le plénipotentiaire chinois souhaitait un «financement concerté». Il faut espérer qu’une réelle discordance ne s’est pas installée au fil du temps.
À ce jour, en tout cas plus de quinze mois après l’incendie, et bien que le bâtiment donne d’inquiétants signes d’affaissement par endroits, «les autorités compétentes ne semblent pas accorder au Palais Léon-Mba l’attention qu’il devrait mériter». Toujours selon les sources internes de l’Assemblée nationale, «les Chinois, eux, sont prêts». La situation n’a pas changé. «Le plafond de l’hémicycle s’est effondré, et les sièges en sont complètement carbonisés, c’est un spectacle désolant qui s’offre aux visiteurs ; le temps est venu de réhabiliter le bâtiment. En fait, pour éviter que les députés ne respirent des effluves de ces cendres, il aurait même fallu que l’Assemblée déménage et loue des locaux pour nos sessions et nos réunions en commission», regrette un député.
«Réelle et salutaire préoccupation»
L’Assemblée nationale est, avec le Sénat, la Maison Georges-Rawiri, le stade de l’Amitié d’Angondjé et deux hôpitaux publics, l’un des symboles de l’excellence de la coopération entre le Gabon et la Chine. Situé sur le Boulevard Triomphal Omar-Bongo, l’une des principales artères de Libreville, le Palais Léon-Mba avait été livré aux autorités gabonaises en 2002. Le Sénat, autre composante du Parlement, avait été livré, pour sa part, en novembre 2005. Alors, «à quand cette réhabilitation si nécessaire ?», se demandent un bon nombre de députés. Au moment où une nouvelle législature va être mise en place – en avril prochain en principe – la question a effectivement tout son sens. Elle soulève une réelle et salutaire préoccupation.