Touché par la baisse des prix du pétrole, l’économie gabonaise semble frémir, sous l’impulsion d’un « changement de gouvernance » promis par les plus hautes autorités. Le défi à relever est cependant de taille.
Analyse. Le président Ali Bongo Ondimba a promis dans son allocution du 31 décembre 2017 « un changement radical de gouvernance ». Une promesse de bon aloi dont on espère qu’elle ne sera pas oubliée avec l’amorce de reprise en cours, tant le malade gabonais a besoin de se purger de ses mauvaises habitudes. Car la descente aux enfers de son économie, qui avait nécessité sa mise sous perfusion par la BAD, la Banque mondiale, le FMI et l’Agence française de développement, semble stoppée. C’est Tao Zhang, le directeur général adjoint du FMI, qui le dit : « Bien que la situation économique demeure délicate, certains signes laissent entrevoir un retournement de la tendance. »
Les chiffres le confirment. La croissance, tombée à + 0,8 % en 2017, devrait remonter à + 2,7 % en 2018 grâce à une meilleure tenue des cours du pétrole et de ceux des matières premières, comme le manganèse. Sous l’effet des mesures de rigueur, tels la suppression de la plus grande partie des subventions aux carburants et le report des investissements publics les moins pertinents, le déficit budgétaire se réduit. La balance courante s’améliore grâce à une reprise des exportations non pétrolières et à un retour des investissements étrangers. La dette publique devrait cesser de croître à la fin de cette année.
Une reprise encore fragile
Certes, les entreprises continuent de souffrir. La « réquisition » par le gouvernement de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), filiale du groupe Veolia, en témoigne. Reste que le groupe singapourien Olam investit toujours massivement dans le pays : après l’huile de palme et l’hévéa, la zone d’activités de Nkok, les engrais à Port-Gentil, le terminal minéralier d’Owendo, il s’est lancé dans la construction du nouvel aéroport de Libreville, pour 400 millions de dollars (323,6 millions d’euros). Une preuve de confiance.
LA SITUATION ÉCONOMIQUE DEMEURE DÉLICATE
Pour autant, n’oublions pas que « la situation économique demeure délicate » et que les agences de notation Fitch et Moody’s ont, l’an dernier, dégradé la note de la dette du pays. Durant le deuxième semestre de 2017, l’État a connu une nouvelle crise de liquidités, et ses arriérés de paiement – sa maladie chronique – ont repris une courbe ascendante.
La gouvernance des finances gabonaises laisse à désirer. Les administrations fiscale et douanière ne font pas leur travail pour apporter à l’État les recettes qui lui reviennent. Par exemple, les exonérations illégales de droits de douane le privent de l’équivalent de 0,3 % du PIB, et les arriérés fiscaux, de l’équivalent de plus de 5 % du PIB ! Et ce n’est pas parce que les agents des impôts ont multiplié les grèves.
Sur la réserve
Autre menace, la quasi-faillite des trois banques publiques : la Banque gabonaise de développement, la PostBank et la Banque de l’Habitat du Gabon (mise en liquidation en juin 2017). Leur restructuration pourrait coûter à l’État plus de 100 milliards de F CFA (152,5 millions d’euros). On attendait pour le mois de mars le plan d’assainissement que le gouvernement ne mettait aucun empressement à décider.
Si l’on ajoute à ces constats que les statistiques gabonaises sont trop médiocres pour permettre un pilotage économique efficace, que les promesses de diversification hors du secteur des hydrocarbures tardent à se concrétiser, que les arriérés de remboursement de TVA ne seront pas soldés avant 2020 et, surtout, que la situation politique est loin d’être stabilisée, on comprend que le secteur privé, sans lequel il n’y aura pas de saine reprise, demeure sur la réserve.
Par Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie (mondiale et tous pays) ainsi qu’en politique intérieure française.