Un plan de rigueur a été adopté à la veille d’élections législatives. Comme jamais, la question de la transparence électorale se fait prégnante.
Ali Bongo a parlé de «tournant historique». D’autres auraient préféré «revers historique». Pour le régime, c’est la fin des illusions. C’est, en tout cas, la principale leçon à tirer de l’adoption d’un plan de rigueur par le Conseil des ministres (lire «Mesures gouvernementales»). Autrement dit, la gouvernance actuelle vient de se fracasser contre le mur des réalités. En d’autres termes, les politiques publiques en vogue depuis 2009 viennent de se révéler peu appropriées. Dans leur essence comme dans les modalités de leur mise en œuvre, elles ont apporté la preuve de leur absurdité (lire «Une partie de bonneteau»). Peu importent les considérations partisanes, l’exécutif n’en mène plus large. De cette affaire, il sort complètement décrédibilisé. Certains trouveront des justifications. Ils évoqueront la détérioration des cours du pétrole. Ils parleront de la hausse des dépenses publiques. Ils pointeront même la faiblesse des recettes, notamment fiscales. Mais, tout cela ne tranchera jamais le débat sur la responsabilité. Au-delà, la question de l’onction populaire restera entière.
Plus de transparence
Invitées à consentir des sacrifices, les populations doivent être au centre de la réflexion. Elles ont besoin de comprendre le pourquoi du comment d’une telle situation. Elles méritent d’être édifiées, consultées puis invitées à se prononcer en toute connaissance de cause. On ne saurait reproduire les schémas des années 70-80 quand Omar Bongo Ondimba décrétait d’autorité une période d’«austérité» ou se réfugiait derrière la «conjoncture» sans rien demander à personne. Ce serait faire comme si l’on n’a jamais tourné le dos au parti-Etat, comme si l’avis du peuple importe peu. Certes, le Sénat sera amené à se prononcer à travers le vote d’un collectif budgétaire. Certes, l’on se passera du débat juridique sur les implications de la décision de la Cour constitutionnelle confiant l’ensemble des pouvoirs du Parlement, y compris ceux de la Représentation nationale, à la seule Représentation des collectivités locales. Mais, il serait mal venu de ne pas rechercher l’adhésion populaire. Pour faire de ce plan de rigueur un véritable «tournant historique», il faudra recourir au peuple souverain.
Personne ne dénie à l’exécutif ses prérogatives. Mais, le consensus national est une exigence. Face aux révélations de l’Opération Mamba (lire «Premières audiences»), les Gabonais veulent plus de transparence. Au regard de ses implications (lire «Complicité de l’administration ?»), ils exigent davantage d’équité. Au vu de ses répercussions (lire «L’ANGTI en quête d’une meilleure réputation»), ils demandent une meilleure implication des forces sociales. Au total, ils militent pour plus de démocratie. Dans la mise en œuvre du plan de rigueur, on parlerait même de démocratie participative. Dès lors, les prochaines législatives se présentent comme une chance à saisir, une opportunité de redonner la parole au peuple. Elles apparaissent comme une occasion de lui permettre d’intégrer le processus en âme et conscience. L’histoire récente montre combien un scrutin peut relancer les choses : même s’il déclencha un tollé, le référendum grec de 2015 permit à Alexis Tsipras de reprendre la main. Avec le recul, il favorisa une meilleure compréhension des mesures.
Se soumettre au verdict du peuple
Ayant validé un plan d’austérité à la veille d’élections législatives, Ali Bongo doit maintenant avoir le courage de son option : il doit organiser des élections libres et transparentes. Même si les opérations démarrent sur fond d’intrigues politiciennes (lire «Des manquements effarouchant»), rien n’est définitivement scellé. Inspirateurs du plan de rigueur, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale gagneraient à se montrer pointilleux sur la question. Ils ne peuvent feindre de ne pas connaitre les vraies raisons de la crise financière. Ils ne peuvent continuer à parler de finances publiques ou d’économie sans évoquer la question démocratique. Ils ne peuvent faire comme si une corruption endémique et une mal gouvernance généralisée garantissent la bonne tenue des comptes publics. Ils doivent regarder la réalité en face. Ils ont le devoir de dire les choses comme elles sont. Ayant déjà accompagné la mise en œuvre de tels programmes, ils en connaissent les servitudes. Ils savent où peut mener une non-adhésion populaire. Déjà, l’on imagine la frustration pouvant naître de législatives truquées. On la voit s’ajouter au climat de tension née de la présidentielle controversée d’août 2016. Faut-il prendre ce risque ?
On ne peut ajouter l’austérité à la crise démocratique. On ne peut conduire un ajustement structurel dans un contexte fraude électorale. Ayant implicitement reconnu son échec, l’exécutif est tenu de se soumettre au verdict du peuple. Pour leur part, le FMI et la Banque mondiale ne peuvent accepter d’ajouter des tensions politiques aux privations diverses. Sauf à accepter de porter la responsabilité d’une crise politique éventuelle. Sauf à ne pas établir de différence entre la période actuelle et les sombres heures du parti unique…