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Suite à son appel au rassemblement : Jean Ping en attrape-tout

Lancé à la cantonade, sans travail de fond préalable mais avec tambour et trompette, l’appel du leader de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) rejoint les diverses invitations à la «réconciliation nationale».

Candidat consensuel de l’opposition à la présidentielle d’août 2016, Jean Ping va-t-il réussir à reconstruire le bloc autour de sa personne ? Va-t-il parvenir à raffermir l’unité et la cohésion au sein de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) ? Sera-t-il assez persuasif pour fédérer au-delà de l’opposition ? Rien ne l’atteste. Bien au contraire. Lancé le samedi 03 novembre dernier (lire «Le jour de gloire ?»), son appel au rassemblement aurait dû intervenir après un travail de fond, sans tambour ni trompette. Au lieu d’y aller à la cantonade, il aurait gagné à s’adresser à des publics précis, clairement identifiés. Au lieu de donner des gages à ses adversaires, il aurait dû axer sa réflexion sur les voies et moyens de régler les différends dans le respect des principes démocratiques. Peu importent les vivats des aficionados, sa proposition a des airs de déjà entendu. En tous points, elle rejoint les appels à la «réconciliation nationale», lancés jadis par diverses personnalités et combattus par les siens (lire Les «Notables de la République») et «L’opposition modérée»). Tombant comme un cheveu sur la soupe, elle semble improvisée, pas du tout élaborée.

Un pacte de l’oubli ?

Faisant abstraction de la responsabilité des uns dans la rupture du pacte social, l’appel du 03 novembre dernier enjambe l’exigence de vérité. Il ne fait pas non plus référence à la nécessité de rendre justice. Si Jean Ping a pris soin de rappeler la mémoire des victimes de la crise post-électorale, il a laissé le sentiment de plaider pour un pacte de l’oubli. S’il s’est dit préoccupé par le sort des détenus d’opinion, il a ouvertement milité pour une sorte d’amnistie-amnésie, censée aider à la cicatrisation des blessures du passé. Peut-on parler de restauration de l’Etat de droit sans établir les responsabilités ? Peut-on envisager un Gabon «réconcilié avec lui-même» sans documenter les faits, notamment les événements du 31 août 2016 ? Comment garantir le «dépassement» en exonérant les bourreaux de leurs responsabilités ? Est-ce bien habile de les traiter d’emblée comme leurs victimes ? Comment «transcender les clivages» sans les avoir identifiés ? Ne fallait-il pas commencer par rassembler l’opposition avant de songer à rassurer les tenants du pouvoir établi ?

Avant de s’ouvrir à d’autres, il faut préalablement serrer ses propres rangs. Or, au sein de la galaxie Ping, les contradictions ont trop longtemps été entretenues. Traitées de tous les noms d’oiseaux, plusieurs de ses composantes pourraient revendiquer l’exercice de leur droit d’inventaire. Comment sceller une alliance quand des rumeurs infâmantes ont circulé au sujet de la candidature unique ? Comment restaurer la confiance quand aucun propos dissident n’est toléré ? Comment assainir le climat quand l’injure et l’anathème répondent à la réflexion ? Comment remobiliser les troupes quand les uns sont ouvertement pris à partie par une certaine «Résistance» dans l’indifférence des autres («L’UN s’indigne») ? Établissant un parallèle avec le défunt Front de l’opposition pour l’alternance, de nombreux observateurs ont, depuis longtemps, tiré la sonnette d’alarme (lire «Carton jaune à la CNR»). En vain.

Rhétorique de rassemblement

Désormais minée par de graves dissensions internes, la CNR fait eau de toutes parts. Ayant vocation à servir de socle au rassemblement envisagé par Jean Ping, elle risque d’avoir du mal à se mettre en mouvement. Dans cette perspective, l’initiative du 03 novembre dernier n’incite guère à l’optimisme. Sur la forme comme le fond, il y a tant à dire. Sans véritable service après-vente, cet appel pourrait très vite tombé aux oubliettes. En absence d’une vraie stratégie de mise en œuvre, il risque de connaitre le destin d’une bouteille à la mer. Surtout, au regard du caractère hétéroclite du public visé : si certains parmi les alliés d’août 2016 pourraient ne pas apprécier d’avoir été mis sur le fait accompli, les adversaires de toujours n’entendent pas y répondre aussi facilement.

De fait, en se gardant de citer nommément certaines forces, Jean Ping a tenté de noyer tout le monde dans une masse informe. En évoquant son projet «Le Gabon à l’abri du besoin et de la peur» sans piper le moindre mot sur les actes du Dialogue national pour l’alternance (DNPA), il a soldé le travail conçu au sein de la CNR. En revendiquant la «reconnaissance de la vérité des urnes», il a mis les partisans d’Ali Bongo en demeure de renoncer à leurs ambitions. N’empêche, en éludant la justice, il a essayé de les rassurer, au risque de s’aliéner le soutien des victimes. Derrière une rhétorique de rassemblement, il a servi un discours attrape-tout, sans colonne vertébrale idéologique. S’il espère lui donner une suite, il devra travailler dur, se démener, multiplier les contacts. Il devra expliquer, s’expliquer, toujours et encore. Pour lui, les difficultés commencent…

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