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Gabon: le mystère Ali Bongo

Le président gabonais, frappé par un AVC en Arabie saoudite, pourra-t-il retrouver son trône? La machine à rumeurs s’emballe.

Par Vincent Hugeux,

C’était couru d’avance. Depuis l’annonce de l’hospitalisation à Riyad (Arabie saoudite) du chef de l’État gabonais Ali Bongo Ondimba, survenue voilà deux semaines, le moulin à rumeurs tourne à plein régime. Dopé comme il se doit par l’opacité que cultivent -choix tactique ou reflet d’un intense désarroi?- les autorités de Libreville, godillant entre lourds silences, confidences évasives et communiqués lénifiants. Le Gabon, on le sait depuis des lustres, produit au moins autant de ragots que de pétrole brut ou de bois précieux. L’ennui, c’est que les réseaux sociaux, au pays comme au sein de la diaspora, en décuplent la viralité.

Délires digitaux

Morceaux choisis, cueillis sur la toile ou sur les messageries plus ou moins cryptées. « ABO » a été transférée à Londres, lit-on ici. Il a succombé et son corps repose, à la demande de son épouse Sylvia, dans la morgue londonienne de Westminster, « apprend »-on ailleurs. A moins qu’il ait été transféré, à l’agonie, vers la clinique Quiron de Barcelone, là où son père et prédécesseur, Omar, trépassa en 2009. Imitée par une télé béninoise, la chaîne privée camerounaise Vision 4 a annoncé elle aussi le décès de l’intéressé, ce qui lui vaudra d’être suspendue pour six mois par la Haute autorité de la communication de Yaoundé. Sur Twitter circule l’enregistrement d’une conversation d’ordre médical censée lever le voile sur l’état de santé réel du président si mal réélu à l’été 2016. Le pompon? Ces photos en gros plan d’un visage de gisant, bave aux lèvres comprise. Visage non identifié mais que l’on est invité à attribuer à Bongo Jr…

On se calme. Que sait-on vraiment ? Arrivé le 24 octobre à Riyad, où il doit participer à la Future Investment Initiative, barnum high-tech si cher au prince héritier Mohammed ben Salmane, alias MBS, Ali Bongo s’affaisse brutalement le soir même et est admis en urgence au King Fayçal Hospital. Là, comme l’indiquait dès le 31 octobre La Lettre du Continent, bimensuel confidentiel consacré à l’Afrique, à ses palais et à ses réseaux, le patient sera aussitôt pris en charge par le service de neurologie qu’anime sur place l’université américaine Johns Hopkins. « Coup de chance pour lui, remarque un diplomate familier des Bongo. Intransportable, il a bénéficié d’emblée de l’expertise d’un neurochirurgien US. » Puis de la présence de son médecin traitant français, accouru à son chevet.

« Impossible de prédire les séquelles »

Un « malaise », rançon d’une « fatigue sévère due à sa très forte activité ces derniers mois », esquive le porte-parole de la présidence. Mais voilà : le scénario du coup de pompe passager ne tient pas. La Lettre émet l’hypothèse d’un oedème cérébral, dont la résorption exige de placer le malade en sommeil artificiel. Selon nos sources, tant africaines que françaises, le fils d’Omar, qui n’a pas quitté la capitale saoudienne, a subi en fait un très sérieux accident vasculaire cérébral (AVC).

Recouvrera-t-il ses facultés physiques et intellectuelles ? « Sans doute pas dans leur intégralité, avance le conseiller d’un chef d’État ouest-africain. Car le choc a été rude. » « Impossible à ce stade de prédire les séquelles, nuance-t-on à Paris. Ceux qui prétendent le faire, que ce soit sur un mode alarmiste ou sur un registre rassurant, ont tous un agenda. » Entendez que leurs propos obéissent à des calculs relatifs à un éventuel « après » et à la place qui pourrait être la leur.

Vent de panique

« Ici, c’est l’attente, confie depuis Libreville un haut-fonctionnaire. Mais on sent comme un vent de panique souffler sur le clan Bongo. Toutes les formules sont sur la table, pourvu qu’elles lui permettent de conserver le pouvoir. » A ce stade, il y a fort à croire qu’un triumvirat « tient la boutique ». Patron des services de renseignement de la Garde républicaine, unité d’élite de l’armée, Frédéric Bongo, demi-frère d’Ali, verrouille l’appareil sécuritaire.

Sur le front politique, c’est au directeur du cabinet présidentiel, Brice Laccruche Alihanga, qu’échoient les commandes, tandis que le Premier ministre, Emmanuel Issozé Ngondet, gère les affaires courantes ; il a d’ailleurs présidé le 1er novembre un conseil interministériel, histoire d’entretenir un semblant de normalité. Le troisième homme ? Une femme. La très influente présidente de la Cour constitutionnelle Marie-Madeleine Mborantsuo, l’une des innombrables ex-maîtresses d’Omar Bongo, à qui elle donna deux enfants. « Laccruche voudrait bien gouverner en solo, note un ambassadeur à la retraite, mais Frédéric veille au grain. »

Ainsi, nul ne sait pour l’heure si ABO pourra un jour de nouveau parler, marcher, voyager et travailler normalement. Une certitude : s’il a survécu à la visite de MBS, le 25 octobre dans la soirée, il peut survivre à tout.

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