Après trois années de crise post-électorale, un an après le déclenchement des ennuis de santé d’Ali Bongo, l’idée d’une concertation politique fait sens, comme jamais auparavant. Bien entendu, une telle grand-messe ne devrait pas se limiter à redéployer le personnel politique, à partager les prébendes ou à faire de la place à certaines figures de la dissidence.
Depuis quelques temps, des rumeurs persistantes remettent la concertation politique au goût du jour. Au terme de sa prétendue «tournée républicaine», le directeur de cabinet d’Ali Bongo annonçait vouloir tendre la main au nom de l’«esprit républicain et du sens des responsabilités». Se drapant des habits de chef de l’exécutif, Brice Laccruche-Alihanga affirmait même avoir identifié des personnalités «prêtes à travailler avec (eux) pour améliorer le quotidien des Gabonais». Au début de la semaine en cours, un éditorial signé de Désiré Ename paru dans les colonnes d’Échos du Nord a achevé de semer les doutes parmi les observateurs : en titrant «Les arrangements d’arrière-boutique ont commencé», en mettant à la Une certains cadors de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) aux côtés du ministre français des Affaires étrangères, notre confrère n’a pas seulement jeté un pavé dans la mare. Il a également accrédité l’idée de tractations politiques en cours.
Aller au fond des choses
Après trois années de crise post-électorale, un an après le déclenchement des ennuis de santé d’Ali Bongo, l’heure serait aux pourparlers politiques ? S’ils ont surtout parlé de la composition de la délégation de l’opposition, déplorant la mise à l’écart des jeunes générations, nos confrères n’ont nullement évoqué le contenu de ces tractations souterraines. N’empêche, une certitude s’impose d’elle-même : le flottement institutionnel né de l’accident vasculaire et cérébral d’Ali Bongo doit être au centre des discussions éventuelles. Comment sortir de la situation actuelle ? Comment garantir un fonctionnement régulier des institutions ? Comment consolider l’État de droit ? Après une inutile phase de magouilles financières et intrigues politiciennes voici peut-être venue l’heure de la politique. Sans nul doute, une telle perspective pourrait offrir de la respiration au corps social, épuisé par 10 années d’arrogance et de sectarisme mal contenus. Elle pourrait, tout autant, relancer la mécanique institutionnelle, paralysée par d’incessants bricolages juridiques et une bonne dose d’ignorance.
Au-delà des querelles de personnes, nonobstant les inévitables luttes de positionnement, l’idée d’une concertation politique fait sens, comme jamais auparavant. Bien entendu, une telle grand-messe ne devrait pas se limiter à redéployer le personnel politique, à partager les prébendes ou à faire de la place à certaines figures de la dissidence. Elle devra aller au fond des choses et s’atteler à rechercher les causes et sous-causes de l’atonie actuelle. Le rétablissement du dialogue entre citoyens, la fin des connivences entre le Parti démocratique gabonais (PDG) et les institutions de la République, la régulation du jeu démocratique, la réconciliation du pays officiel avec le pays réel et la formulation de politiques publiques conformes à la réalité économique et sociale… Tels devraient notamment être les objectifs d’une éventuelle rencontre. Une négociation à minima entre acteurs politiques ? Une telle perspective serait désastreuse et contreproductive. A l’inverse, des assises nationales regroupant l’ensemble du corps social auraient du sens et de la pertinence.
Curiosité et fantasmes
Si elles doivent permettre d’améliorer la gouvernance démocratique, les tractations en cours doivent sortir de la confidentialité. Autrement dit, les personnalités citées par Échos du Nord doivent avoir le courage de s’exprimer publiquement sur la question. Faute de le faire, le venin du soupçon pourrait très vite dégouliner. Déjà, la Une de nos confrères suscite bien des commentaires, ravivant le souvenir de négociations passées, particulièrement les si controversés Accords de Paris de 1994. Sur l’organisation, la désignation des participants, le déroulement des séances ou les thématiques à débattre tant de précisions restent à apporter. De même, les parties prenantes à ces négociations doivent songer à se doter d’une méthodologie. Tout en reconnaissant la souveraineté du peuple et la primauté de l’État, ils gagneraient réfléchir au statut d’éventuelles assises.
L’hebdomadaire Échos du Nord a livré peu de détails sur ces fameux pourparlers. N’empêche, il a aiguisé la curiosité de l’opinion, alimenté bien de fantasmes. Dans les chaumières comme dans les états-majors des partis politiques, chacun y va de ses révélations et confidences supposées. Du coup, les personnalités censées conduire ces négociations gagneraient à faire preuve de transparence. Nos confrères ont fait leur boulot, aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités.