Ancien bras droit du président, Brice Laccruche Alihanga a été arrêté et accusé de corruption, en même temps que la plupart de ses proches.
Le Point Afrique
L’opération anticorruption gabonaise a fait une « victime » de plus. Le Franco-Gabonais Brice Laccruche Alihanga, 39 ans, ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba, a été interpellé ce mardi 3 décembre « à son domicile de Libreville », a déclaré à l’AFP le procureur André Patrick Roponat. « Il est actuellement entendu » par les enquêteurs, a ajouté le magistrat dans l’après-midi. Son arrestation intervient au lendemain de son éviction du gouvernement, après un énième remaniement.
Il y a encore quelques semaines, Brice Laccruche Alihanga jouissait d’une certaine influence, renforcée au fil des mois avec l’absence du président, convalescent après un accident vasculaire cérébral (AVC) survenu le 24 octobre 2018. Mais le lancement d’une tonitruante « tournée républicaine » dans tout le pays n’est pas passé auprès des caciques du pouvoir, inquiets de voir cet ancien proche d’Ali Bongo Ondimba dans la lumière, devenu même pour le média gabonais Gabon Review « l’homme le plus puissant de la République ». L’initiative lui a en tout cas valu, début novembre, d’être écarté de la présidence et d’être nommé dans la foulée à la tête du ministère « chargé du Suivi de la stratégie des investissements humains et des Objectifs de développement durable », sans réel pouvoir.
Opération « Scorpion »
Son limogeage avait coïncidé avec le lancement d’une opération anticorruption, baptisée « Scorpion », qui avait abouti à l’interpellation de plus de vingt de ses proches pour des détournements présumés de fonds publics notamment. Le remaniement de lundi a achevé la mission en purgeant le cabinet de ses derniers alliés. Mardi matin, la police gabonaise a également arrêté deux anciens ministres limogés la veille, réputés très proches de Brice Laccruche : Tony Ondo Mba, ex-ministre de l’Énergie, et Noël Mboumba, qui détenait le portefeuille très convoité du Pétrole. Les trois « ont été abondamment cités par des personnes actuellement en détention dans des faits de détournements de deniers publics, de concussion et de blanchiment de capitaux », a assuré le procureur Roponat.
« En tout, et sans compter les interpellations de ce matin (mardi), il y a bien eu 13 personnes placées sous mandat de dépôt » depuis le début de l’opération anticorruption, toujours selon le magistrat. « Deux sont en liberté provisoire, six ont été mises hors de cause » et le frère de l’ex-directeur de cabinet, Grégory Laccruche, « est toujours en garde à vue ». Une situation qui fait dire à Anges Kevin Nzigou, l’avocat de Brice Laccruche, que le pays s’est lancé dans « une chasse aux sorcières », où « les dossiers ne sont pas consistants », a-t-il déploré à l’AFP. Du côté du la présidence, on appelle à « dépolitiser » l’enquête. « Quelle que soit votre place, s’il y a des soupçons, il n’y a pas d’impunité », a déclaré mardi le nouveau porte-parole, Jessye Ella Ekogha. Lundi soir, le Premier ministre, Julien Nkoghe Bekale, avait souligné au nom du chef de l’État, l’importance de s’entourer « d’hommes et de femmes alliant compétence, expérience, intégrité et loyauté ».
Des milliards « volatilisés »
Dans le viseur, aussi, de la justice gabonaise, la « Dupont Consulting Company », une société privée administrée par Grégory Laccruche. Elle est accusée d’avoir détourné de l’argent public à l’occasion de contrats avec l’entreprise publique Gabon Oil Company (GOC), dont le directeur général, Patrichi Tanasa, incarcéré jeudi, est lui aussi un proche de Brice Laccruche Alihanga. Selon le journal progouvernemental L’Union, en deux ans, 85 milliards de francs CFA, 129 millions d’euros, se sont ainsi « volatilisés » au sein de la GOC. Le ministre déchu de l’Énergie, Tony Ondo Mba, avait, par le passé, été employé par la Dupont Consulting, selon le journal.
La justice s’intéresse également à d’autres fonds publics qui auraient pu être détournés, ainsi qu’à des biens acquis – maisons et voitures – par les personnes mises en cause, selon le procureur. L’ancien porte-parole de la présidence, Ike Ngouoni, considéré comme le bras droit de Brice Laccruche, a été placé en détention provisoire vendredi. Il est accusé de complicité de détournement de fonds. Quoi qu’il en soit, « les Gabonais veulent savoir la finalité de l’opération en cours, affirme Gabon Actu. Est-ce pour récupérer les prétendus milliards volés afin de les investir dans le social ou simplement le développement du pays ? Est-ce un réel changement de paradigme dans la gestion de la chose publique ou un simple règlement de comptes pour ôter de là les uns au profit des autres ? Wait and see ».