La Suisse a annoncé qu’elle allait restituer au Nigeria environ 321 millions de dollars détournés par l’ancien dictateur Sani Abacha. Au pouvoir de 1993 à 1998, il est accusé d’avoir détourné quelque 5 milliards de dollars des coffres de son pays. De l’argent déposé dans diverses banques en Europe et aux Etats-Unis. Le Nigeria et la Suisse ont signé une lettre d’intention l’année dernière. Et un accord a été finalisé le 4 décembre.
Vingt ans après, la Suisse va enfin restituer l’argent détourné par le dictateur Sani Abacha : 321 millions de dollars déposés sur des comptes par le général et sa famille. De l’argent qui avait été bloqué par la Suisse dans le cadre d’une procédure pénale contre Abba Abacha, le fils de l’ancien dictateur mort en 1999.
Selon Roberto Balzaretti, un des négociateurs suisses, ce versement sera le dernier. « Il n’y a plus rien en Suisse, affirme-t-il. Il y a eu ces deux processus de restitution : d’abord sur quelque 600 millions de dollars il y a quelques années, et puis maintenant cette tranche que nous appelons dans le langage technique « Abacha 2 ». Avec ces 321 millions qui vont être restitués au Nigeria, il n’y a plus d’argent, voire de patrimoine quelconque de la famille Abacha en Suisse. »
L’accord prévoit que la restitution se fasse par échéance sous le contrôle de la Banque mondiale et que les fonds soient utilisés pour des programmes de lutte contre la pauvreté.
« Hypocrisie »
Une bonne nouvelle pour Yemi Adamolekun, de l’organisation nigériane de lutte contre la corruption Enough is Enough (EIE), mais qui s’inquiète tout de même de l’utilisation de ces fonds. « Le programme de lutte contre la corruption initié par le gouvernement a beaucoup été critiqué pour son manque de clarté, notamment sur l’utilisation de ses fonds recouvrés. Ils sont listés dans notre budget comme étant des revenus. Mais de nombreuses organisations ont demandé à ce que ses revenus soient traités séparément et alloués à des secteurs spécifiques », rappelle-t-elle.
Ces organisations soulignent également que cet argent suisse ne représente qu’une petite partie des 5 milliards qui auraient été détournés par l’ancien dictateur.
Yemi Adamolekun dénonce aussi « une certaine hypocrisie de la part des pays occidentaux ». « Il s’agit d’argent qui a été volé, mais cet argent n’a pas été gardé sous un oreiller – bien qu’on ait appris que d’importantes sommes en liquide aient été retrouvées à son domicile. Ces grosses sommes d’argent ont été déposées dans des institutions financières dans des pays occidentaux, souligne-t-elle. Donc, il y a une certaine hypocrisie de la part de ces pays à reconnaître qu’il s’agit d’argent volé, tout en acceptant que cet argent soit entreposé dans leurs institutions financières parce qu’au fond cet argent fait vivre leurs banques. »