Dans cette vidéo de voeux du Nouvel An, le Dr. Daniel Mengara appelle les Gabonais à une sincérité des convictions et de la lutte, éléments qui, selon lui, sont seuls capable de mener à une convergences des combats à même de mettre fin à ce qu’il appelle le système « cadavéré » des Bongo Omdimba au Gabon. Pour lui, donc, « 2020 se doit de devenir, pour les combattants de la liberté qui y croient encore, l’année de la convergence des combats, l’année d’une solidarité des luttes qui nous permettra, ensemble, chacun selon ses capacités et ses moyens, de venir à bout du régime des Bongo » par le principe de l’ingouvernabilité et de la désobéissance civile.
Voici la version textuelle de ce discours:
Chers compatriotes,
En cette année 2020 qui commence, il me plaît ici de renouer le contact aux fins non seulement de recommencer à échanger avec vous après les années de silence que je me suis imposées pour prendre le temps tant de l’introspection que de la réflexion qui m’a permis de produire ce livre, le Gabon en danger, mais aussi d’explorer avec vous les voies et moyens qui s’imposent à nous aujourd’hui dans le cadre du changement démocratique que nous attendons tous.
Sur le sujet du changement, j’ai envie de dire que 2020 se doit de devenir, pour les combattants de la liberté qui y croient encore, l’année de la convergence des combats, l’année d’une solidarité des luttes qui nous permettra, ensemble et séparément, chacun selon ses capacités et ses moyens, de venir à bout du régime des Bongo.
J’y reviendrai tout à l’heure.
Je voudrais d’abord, avant que de continuer, étendre nos pensées vers les prisonniers politiques qui, trois ans après, se trouvent toujours enfermés dans les geôles du dictateur. Nous étendrons aussi nos pensées et nos amitiés à ceux qui en sont aujourd’hui sortis, même si nous pouvons déplorer que ceux pour qui ils ont fait ces sacrifices, dans certains cas, n’aient pas fait plus pour obtenir leur libération, ou au moins utiliser leur emprisonnement comme des moments déclencheurs qui auraient pu contribuer à la libération du Gabon. Il demeure néanmoins que, à ceux-là qui, comme Landry Amiang, et tant d’autres qui ont fait et font toujours la prison pour leurs convictions, nous devons notre solidarité.
Mais pour ce nouvel an, je ne m’attarderai pas sur les biafreries d’Ali Bongo et du clan bongoïste. Je voudrais passer plus de temps, dans ce discours, à parler de comment nous devons nous y prendre pour réorganiser l’opposition gabonaise, pour qu’elle devienne, non plus une opposition de compromissions et d’éternelles jérémiades, mais une opposition de combat.
Ceci parce que les biafreries des Bongo, nous les connaissons. Elles durent depuis 52 ans. Y passer du temps, c’est perdre du temps à devenir de simples commentateurs d’actualité là où, bien au contraire, l’actualité devrait nous pousser non plus vers le commentaire politique, mais vers l’action libératrice.
Un vrai combattant ne doit pas passer tout son temps à commenter l’actualité. Se contenter de dire qu’Ali Bongo est mort et que c’est un sosie qui dirige le Gabon ne sert strictement à rien si, après ce constat, l’on ne propose pas une action visant à arracher le Gabon des mains du clan des Bongo.
Se contenter de passer des journées entières sur Facebook à commenter les méfaits et les entrefaites de Laccruche et acolytes détournant des milliards de nos francs ne sert strictement à rien pour le combat si ce constat n’est pas immédiatement suivi d’un sentiment de révolte, puis d’une action insurrectionnelle visant à reprendre le Gabon en main par un changement de régime immédiat.
Autrement dit, mes chers compatriotes, qu’y a-t-il de nouveau à dire sur le régime des Bongo ? Depuis 52 ans, ce régime meurtrit le Gabon et vend notre pays au plus offrant. Depuis 52 ans, ce sont les mêmes promesses, et même les mêmes mises en scène où, de Bongo père à Bongo fils, on vous dit que cela va changer, qu’on va maintenant punir la corruption… Mais qu’est-ce qui a changé ?
On a même entendu, à son époque, cette stupidité d’Omar Bongo, comme quoi, oh, « Dieu ne nous a pas donné le droit de faire ceci cela », et après, on a vu quoi ? Rien. Il est allé mourir comme un rat au Maroc, parce qu’incapable de construire même un hôpital-bicoque chez lui qui eût pu lui sauver la vie. Et maintenant, Ali Bongo vous dit, la corruption, c’est fini, la corruption n’a plus sa place au Gabon, alors qu’il est le plus gros corrompu. Techniquement, il devrait commencer par se foutre lui-même en prison s’il veut vous montrer sa sincérité. Mais nous, les Gabonais, on ne se laissera plus berner par ces mises en scène. 52 ans de cinéma bongoïste, ça suffit. Surtout quand on veut nous faire croire que Laccruche a pu organiser tout ce cinéma qui a amputé le Gabon de 85 milliards de francs CFA sans la complicité du clan des Bongo.
Non, mes chers compatriotes. L’on ne doit pas gober ce cinéma, et on ne doit plus se laisser détourner par ce cinéma. La vérité est plutôt celle-ci : comme je l’ai toujours dit, rien de bon ne pourra arriver au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir. La solution relative à ce constat est donc simple, également : si rien de bon ne peut arriver au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir, il s’ensuit, automatiquement, mathématiquement, que Bongo doit partir, Ali Bongo doit partir, le clan des Bongo doit partir, et avec eux, tous les affidés qui les aident à tuer le Gabon.
Le système Bongo a toujours été, comme le dirait le chanteur congolais Zao, un système cadavéré. Sur le plan de la gestion du Gabon, cadavéré. Sur la moralité, cadavéré. Sur la compétence, cadavéré. Parlement, cadavéré. PDG, cadavéré. Cour constitutionnelle, cadavéré. Mborantsuo, cadavéré. Omar Bongo, cadavéré, et aujourd’hui, Ali Bongo, cadavéré, au propre comme au figuré. Tous les Bongo, ce sont de vrais nullards. Morts ou vifs, ils sont foncièrement inutiles pour la société ; ils doivent donc partir et les Gabonais se doivent désormais de se concentrer, non plus sur les distractions que le régime des Bongo leur offre pour les détourner de l’essentiel, mais véritablement sur les méthodes et méthodologies de combat qui mettront fin, immédiatement, à la malédiction bongoïste qui sévit au Gabon depuis 52 ans.
Sur le sujet du changement, je l’ai dit plus haut et je le répète, 2020 se doit de devenir, pour les combattants de la liberté qui y croient encore, l’année de la convergence des combats, l’année d’une solidarité des luttes qui nous permettra, ensemble et séparément, chacun selon ses capacités et ses moyens, de venir à bout du régime des Bongo.
Parce que nous ne devons plus décourager les luttes quelles que soient leurs formes, j’encourage chacun dans sa forme de lutte. Que ceux qui veulent continuer à résister dans la diaspora, organiser des marches devant l’ambassade du Gabon aux Etats-Unis ou en France, au Trocadéro ou ailleurs, que ceux qui veulent, tant bien que mal, continuer leur lutte sur le terrain même au Gabon, ou sur Facebook, se sentent libres de le faire. Nous ne devons plus décourager aucune forme de lutte, dès lors qu’elle serait sincère.
Et c’est là le mot-clé le plus important que doivent retenir tous ceux qui se disent opposants, chers compatriotes : la sincérité, la sincérité de la lutte, la sincérité des actions, la sincérité des convictions. Sans sincérité des combats, et sans sincérité des convictions, il n’y aurait aucune possibilité de convergence des luttes. Sans sincérité du combat, il n’y aurait aucune solidarité des luttes. Ce que cela donnerait, hélas, ce sont les fourre-tout politiques qui ont fait jusque-là non seulement l’échec, mais aussi la faiblesse de l’opposition gabonaise, et permis au régime non seulement d’infiltrer les combattants, mais aussi de les immobiliser dans l’inaction.
Mais aussi, évitons de nous transformer en spécialistes du commentaire politique, du Kongossa gratuit, qui ne mène nulle part. Si nous nous faisons tous le relais des sources sûres qui nous jurent tantôt la mort d’Ali Bongo, ou nous annoncent que le Gabon est dirigé par un sosie, ou encore nous révèlent de source toujours sûres, des scandales de ceci ou cela, ou nous annoncent même sans preuves que Jean Ping peut encore prendre le pouvoir après 3 ans d’attente infructueuse, je crois que le régime des Bongo n’aura trouvé meilleurs alliés que ces Kongosseurs qui ne cessent de semer la désinformation gratuite, souvent dans le but d’immobiliser les Gabonais dans l’attente de solutions miracles qui ne viendront jamais. Et pendant que l’on attendra ces solutions miracles, le régime gagne du temps et les années passent. En fait, si j’étais le régime des Bongo, mon arsenal stratégique serait constitué de ce type de désinformation qui ferait croire aux Gabonais, par exemple, que Jean Ping peut encore prendre un pouvoir que les Européens viendraient lui offrir sur un plateau d’argent, sans que les Gabonais se soient battus pour cela. Parce que je sais qu’ils vont s’immobiliser dans cette attente vaine, et oublier d’organiser la rue.
Je vais y revenir.
Ce qu’il faut retenir ici, chers compatriotes, est qu’une lutte comme celle qui nous attend exige que nous passions de l’étape du commentaire à l’étape de l’action, de l’action concertée, préparée et organisée, loin des émotions.
Une lutte digne de ce nom consiste, d’abord, à faire des bilans. Sur ce point, voici ce que nous savons :
- Le changement, au Gabon, ne viendra pas par la bonne volonté des Bongo ;
- Le changement au Gabon ne viendra pas par les urnes ;
- Le changement au Gabon ne viendra pas parce qu’on a des carnets d’adresse ou des amis au sein de la communauté internationale ;
- Or, on a même vu que, bien qu’un minimum de moyens soit nécessaire, le simple fait d’avoir de l’argent ne suffit pas non plus si on n’ajoute pas au combat que l’on dit mener une autre dimension, celle-là même qui permet aux Gabonais de comprendre que le changement c’est eux-mêmes, et que le changement ne viendra que lorsque chacun d’entre nous aura compris qu’il détient une parcelle du pouvoir et de la capacité qui nous permettraient, ensemble, d’en finir.
S’il y a une chose que 2016 nous a apprise, c’est qu’au Gabon, même quand on gagne, on perd. Comme en 1993, 1998, 2005 et 2009. 2016 ne pouvait donc faire exception et 2023 ne fera pas exception non plus.
Il va donc falloir que nous nous rééduquions aux réalités du combat qui nous attend. Cette rééducation va consister, d’abord, à faire attention aux mots que nous utilisons, si nous voulons éviter, encore une fois, de nous laisser entrainer dans des culs-de-sac politiques savamment organisés par le régime en place, parfois en complicité avec ses agents infiltrés au sein de l’opposition, avec comme seul objectif de semer la confusion et de faire croire à des changements miraculeux qui, au final, se révèlent toujours être de véritables fantasmes visant à endormir le peuple et à l’éloigner de toute velléité insurrectionnelle.
Depuis un moment, par exemple, j’entends des gens commencer à parler de préparer l’élection présidentielle de 2023. Certains ont même déjà commencé à positionner leurs candidats potentiels. On en voit d’autres demander la vacance du pouvoir, demander des dialogues de réconciliation nationale, des gouvernements d’union nationale. J’ai même entendu des gens dire ici et là que c’est le peuple qui a trahi ses leaders et que si le changement n’a pas eu lieu en 2016, c’est parce que le peuple n’a pas suivi ses leaders. Ah bon ?
Je vais ici prendre le temps de clarifier ces fantasmes.
Commençons par l’idée de préparer l’élection présidentielle de 2023. Mais, mes chers compatriotes, vous aussi. A quel moment allons-nous apprendre les leçons politiques de ces 30 dernières années au Gabon ? Donc, alors même que certains se battent encore pour mettre leur président élu au pouvoir, il y en a d’autres qui, ignorant les leçons de 1993, 1998, 2005, 2009 et 2016, pensent encore que c’est par les urnes ou en positionnant des candidats pour des élections perdues d’avance qu’ils feront mieux que Mba Abessole en 1993, Pierre Mamboundou en 1998 et 2005, André Mba Obame en 2009 et Jean Ping en 2016 ? Vraiment ?
Mais, mes frères et sœurs, si vous croyez encore, après les déboires de Jean Ping, que , plus que Jean Ping, vous aurez une meilleure occasion de prendre le pouvoir par la simple force démocratique des urnes, c’est que, en réalité, vous ne travaillez pas pour la libération des Gabonais. Qui, au Gabon, peut se targuer d’avoir eu meilleur contexte que Jean Ping pour prendre le pouvoir ? Qu’est-ce qui a manqué à Jean Ping ? Rien.
Soutien populaire ? Jean Ping l’a eu, toutes ethnies confondues, avec des scores monumentaux dans le Woleu-Ntem et autres. Jean Ping a fait mieux que tous les candidats avant lui ; et pourtant, où en est-on aujourd’hui ?
Moyens financiers ? Jean Ping les a eus, probablement plus que tous les autres candidats avant lui.
Transparence électorale ? Oui, qu’on le veuille ou pas, c’est la première fois dans l’histoire politique du Gabon que le régime des Bongo n’a pas pu cacher un résultat. En fait, parce que le résultat réel des élections, qui donnait la victoire à Jean Ping, ne pouvait se cacher dans ce contexte où les technologies de la communication et les réseaux sociaux ne pouvaient plus permettre au régime de dissimuler les résultats, le régime a totalement concédé avoir perdu l’élection non seulement dans la diaspora, mais aussi dans 7 provinces du Gabon sur 9. Et c’est aussi devant les yeux de tout le monde que les Bongo, acculés à cette réalité, sont allés dans le Haut-Ogooué, la seule province où ils pouvaient manipuler les scores, pour nous y pondre un résultat stalinien que tout le monde savait faux et mathématiquement insensé, y compris la communauté internationale. Et vous, vous pensez encore que vous pourrez réussir à prendre le pouvoir par les urnes au Gabon en 2023 là où Jean Ping, le candidat qui avait tout pour réussir, n’a pas pu le faire en 2016 ?
Et pourtant, pour une fois aussi dans l’histoire du Gabon, l’opposition a eu le soutien de l’Union Européenne ! Oui, Jean Ping l’a eu, ce soutien, vu que l’Union européenne, contrairement aux élections passées, n’a jamais déclaré ni reconnu la victoire d’Ali Bongo ; ce fut là un clin d’œil à Jean Ping que si tu veux ce pouvoir, c’est dans la rue que tu devras aller le conquérir.
Mais nous n’avons rien fait. Nous avons continué à aller pleurnicher devant la communauté internationale alors même que cette même communauté internationale nous demandait d’aller dans les rues du Gabon conquérir ce pouvoir qu’elle savait ne sera jamais obtenu par les urnes ou la négociation.
Et voilà que sans même apprendre cette leçon qui nous dit que les élections ne servent à rien au Gabon et qu’on n’a même pas besoin d’attendre les élections pour libérer le Gabon, on veut déjà détourner les Gabonais vers le cul-de-sac de l’électoralisme, en faisant encore croire qu’on peut prendre le pouvoir au Gabon parce qu’on aura été candidat en 2023? Et avec cette stratégie, on veut déjà détourner les Gabonais qui veulent préparer les élections pour que, au cours des trois années qui restent avant 2023, tout le monde parle des élections au lieu d’organiser le combat ? Non, il faut arrêter avec ce cinéma.
Et voilà pourquoi je m’étonne aussi de voir ici et là des gens commencer à demander la vacance de pouvoir. Mais vous aussi, mes frères, faites attention aux mots que vous utilisez. Sauf si vous avez inventé un autre Gabon, nous savons tous que, même avec le chiffon constitutionnel en vigueur actuellement au Gabon, la vacance du pouvoir impose une transition politique que doit coiffer le président du Sénat, qui se doit alors d’assurer l’intérim jusqu’à la prochaine élection. Ceci veut dire qu’au Gabon, on ne nomme pas les présidents de la République. La seule manière de sortir du cadre constitutionnel qui permettrait à quelqu’un d’autre que le président du Sénat d’assurer l’intérim passerait alors nécessairement par des moyens extraconstitutionnels tels le coup d’État, la rébellion armée qui mènerait à une guerre civile en bonne et due forme, ou alors l’insurrection populaire non armée.
Or vu que pour plusieurs raisons, la guerre civile est mathématiquement impossible au Gabon ou du moins, prendrait des années à organiser, et que le coup du d’État, bien que possible, reste improbable et aussi trop compliqué à organiser, il n’y a, au final, que l’insurrection populaire qui ressort de l’analyse comme la solution la plus possible et la plus probable au Gabon, pour la simple raison qu’elle peut s’organiser rapidement et avec peu de moyens car tout ce que cela demande c’est des leaders capables d’organiser le peuple et un peuple capable de suivre les mots d’ordre de ses leaders, dans le cadre d’une action concertée qui serait, non plus improvisée, mais organisée et savamment préparée, puis déployée.
Et comme au Burkina Faso, cela prendrait une simple semaine ou deux au Gabon pour mener à la chute du régime des Bongo.
Mais il y a aussi ceux qui ici et là, sans combat mener, et sans avoir jeté dans les rues aucune pierre qui eût pu forcer le régime, au minimum, à des concessions démocratisantes, nous parlent déjà de négociations, de réconciliation nationale et de partage du pouvoir. La question devient alors, qu’est-ce qui est nouveau dans une telle proposition et en quoi de telles démarches conciliatrices avancent-elles le combat de libération nationale des Gabonais ? Il me semble que nous pratiquons le sport des dialogues, des réconciliations nationales et des gouvernements d’union nationale depuis, au moins, 1990 ? On a vu les Mba Abessole et les Moukagni Iwangou aller manger avec les Bongo, non ? Qu’est-ce qui a changé ? Non seulement rien n’a changé, mais nous savons aussi que quand on rentre dans le régime des Bongo, on ne peut plus en ressortir avec les convictions qu’on avait avant d’y entrer.
Autrement dit, on ne change pas le régime des Bongo, c’est le régime des Bongo qui vous change et vous pourrit. Voilà pourquoi, malgré les six invitations qui m’avaient été faites par Omar Bongo et Ali Bongo au cours des années, j’ai toujours refusé car, moi, je ne veux pas finir pourri comme les Moukagni Iwangou et consort.
Non, mes chers compatriotes, il nous faut une rupture absolue d’avec le régime des Bongo. Quand on veut chasser un régime du pouvoir, on recherche la rupture. Il n’y a aucune théorie politique digne de ce nom qui vous dira que pour vaincre un régime de dictature, il faut s’allier avec ce régime ou négocier avec lui tant que ce régime est en position de force. La logique combative veut que l’on mette d’abord ce régime hors d’état de nuire ou, a minima, en position de faiblesse, pour ensuite le plier à la volonté populaire, puis aux réformes nécessaires. Aller partager des gouvernements d’union nationale, alors même que le même système qui a toujours empêché l’alternance par les urnes demeurerait intact, constitue une hérésie.
Non, mes chers compatriotes, quand on combat un régime de dictature comme celui des Bongo,
- On ne négocie pas ;
- On ne se réconcilie pas sans avoir mené la bataille qui force aux réformes libératrices ;
Ce qu’on fait, en réalité,
- C’est isoler le régime en refusant toute idée de discussion, de négociation ou de réconciliation tant que l’on n’a pas mis ce régime en position de faiblesse ;
- Et organiser le départ immédiat des Bongo et de ce régime par la force démocratique de la rue.
Autrement dit, la seule voie efficace qui garantirait non seulement la rupture, mais aussi la réforme, passe par l’ingouvernabilité. Il n’y a qu’une ingouvernabilité basée sur de stratégies de défiance et de désobéissance civile qui mènera non seulement à la DESTITUTION des Bongo et de leur régime par la force démocratique de la rue, mais aussi à une TRANSITION politique chargée de réformer notre système politique avant, enfin, d’organiser des ÉLECTIONS dignes de ce nom qui garantiraient que la personne élue serait, véritablement, celle que les Gabonais ont votées.
En d’autres termes, il nous faut revenir aux principes de la DTE et, donc, construire un combat basé sur les principes de Destitution, Transition, Élections.
Or, le combat de la DTE nous interdit de participer à des élections perdues d’avance. Le combat de la DTE veut aussi dire que l’on n’a pas besoin d’attendre les élections pour destituer le régime des Bongo. Tout ce dont on a besoin, c’est organiser, en symbiose avec le peuple, l’ingouvernabilité et, donc, la prise de pouvoir par le peuple, par la force démocratique de la rue.
A ce propos, il nous faut battre en brèche l’argument échappatoire dans lequel les uns et les autres aiment à se réfugier aujourd’hui pour expliquer leurs échecs. Depuis un moment, en effet, on entend ici et là que les leaders ont tout fait pour chasser les Bongo et que c’est le peuple qui a trahi ses leaders. J’appelle cela des foutaises. Le peuple gabonais a toujours été du bon côté de l’histoire, mais ce sont, en réalité, les leaders qui ont souvent trahi le peuple. En 1993, 1998, 2005, 2009 et 2016, les Gabonais ont montré qu’ils ne soutenaient que les leaders qui leur promettaient la casse, la rupture, le radicalisme, les leaders qui leur promettaient de ne jamais laisser voler leur vote. Il se trouve qu’aucun des leaders qui leur ont fait ces promesses de prise de pouvoir n’a jamais pris le temps d’organiser ce peuple pour cette prise de pouvoir. Bien au contraire, ils ont souvent démobilisé ce peuple, soit en lui demandant de rester à la maison dans les moments où ce peuple avait besoin d’être dehors, soit en faisant des promesses de miracles politiques par lesquels ils leur disaient simplement d’aller voter et eux feraient le reste avec leurs carnets d’adresses. Curieusement, alors qu’ils n’avaient à aucun moment préparé ce peuple pour une insurrection, ces leaders se sont attendus à voir le peuple aller dans la rue conquérir un pouvoir que les leaders avaient pourtant dit pouvoir obtenir par la simple force démocratique des urnes.
Et ces leaders se sont étonnés par la suite de ne pas voir ce peuple répondre aux mots d’ordres du style, « je ne vous retiens plus » ou « chacun doit prendre ses responsabilités », alors qu’on n’a préparé personne pour cette prise des responsabilités ?
Non, mes chers compatriotes, quand on veut mobiliser un peuple pour l’insurrection, on le prépare à l’insurrection. On ne dit pas « je ne vous retiens plus » ou « chacun doit prendre ses responsabilités » sans avoir, au préalable, montré, expliqué, puis déployé la méthode par laquelle on aurait préparé ce peuple à ses responsabilités.
Pour gagner le combat contre les Bongo, nous devrons d’abord arrêter avec ce type de mythomanies politiques. Et pour que la lutte de libération nationale des Gabonais puisse marcher, il nous faut changer de paradigme. Ce changement de paradigme passera, avant tout, par la réalisation que nous ne gagnerons pas ce combat avec des chefs politiques, surtout pas ceux sortis du PDG qui traînent encore des casseroles et accointances pédégistes trop lourdes qui déroutent leur capacité à mener un combat sincère. Il nous faut des chefs de guerre qui comprennent que ce combat ne se gagnera que dans la rue et que pour gagner, il faut organiser la rue. C’est tout.
Il nous faudra aussi comprendre, surtout nous qui sommes dans la diaspora, que, sans diminuer quelque forme de combat que ce soit, ce n’est pas dans les rues de Paris, de Washington, de Bruxelles, de Dakar ou de Londres que l’on gagnera ce combat. C’est dans les rues de Libreville que nous le gagnerons, et le moment venu, nous, de la diaspora, devrons avoir le courage de retourner au Gabon avec nos équipes, le moment venu, pour mener ce combat sur le terrain avec ceux qui s’associeront à nous. Ce n’est pas en allant se mettre à genoux devant les Français que nous gagnerons ce combat. Et ce n’est certainement pas en gémissant chaque jour sur les méfaits de la Françafrique sur Facebook que les Gabonais gagneront ce combat. La seule manière efficace de vaincre la France au Gabon passera, nécessairement, par l’éviction des Bongo. Si la France, comme certains aiment à le dire, est celle qui maintient les Bongo au pouvoir, n’est-il pas alors logique que l’on s’organise pour chasser les Bongo du pouvoir, ce qui fera perdre à la France les marionnettes qui lui permettent la mainmise sur le Gabon ?
La question, dans ce contexte, est facile et mathématique. Et on peut pousser le raisonnement plus loin, et le placer dans un cadre plus stratégique. Autrement dit, qu’est-ce qui est plus facile à vaincre ? La France ou les Bongo ? Par exemple, si les Gabonais se mettent dans les rues demain, qu’est-ce qu’ils pourraient défaire en une semaine ou deux, la France ou les Bongo ? Il me semble que, autant cela pourrait nous prendre deux semaines, dans le cadre d’un combat bien organisé, pour nous défaire des Bongo, autant cela pourrait nous prendre 50 ans pour nous défaire de la France.
Dès lors, chers compatriotes, le raisonnement devient facile à mener et la conclusion simple : Il nous faut d’abord nous concentrer sur la cible Bongo car chaque combat doit avoir des priorités. Sans quoi, à poursuivre mille lièvres à la fois, on n’en attrape aucun. Notre priorité, ce sont les Bongo, la France, c’est pour plus tard. Et pour cela, on n’a pas besoin de devenir anti-français pour vaincre les Bongo. Tout ce qu’il nous faut c’est comprendre que vaincre frontalement les Bongo est plus facile que vaincre frontalement la France, et que, en chassant les Bongo, les Gabonais se donneront l’opportunité d’un nouveau partenariat avec la France qui leur permettra de mieux diligenter leur avenir dans un contexte où la France ne pourrait plus venir décider qui doit diriger le Gabon à la place des Gabonais.
Une fois cette analyse faite, chers compatriotes, vous voyez bien que la conclusion à cette équation devient simple : Bongo doit partir. Et avec lui son système.
Chers compatriotes, ce que 2020 représente, c’est l’opportunité non seulement de faire le bilan de ce qui a été tenté au cours des 30 dernières années de tentatives de changement politique au Gabon. Ce bilan nous montre que nous avons pratiquement tout tenté au Gabon : dialogues, négociations, partage du pouvoir, élections, sorcelleries, prières. Rien de ces choses n’a marché.
La seule chose qui n’ait jamais été essayée, c’est une insurrection populaire en bonne et due forme qui, période électorale ou pas, fût spécifiquement préparée, organisée, puis déployée pour le but spécifique de mettre fin au régime des Bongo.
Je vous propose de commencer, dès maintenant, une autre approche, celle qui consistera, simplement, à organiser ce combat dans un contexte de convergences et de solidarités des luttes qui ne laisserait plus rien au hasard, et qui permettra enfin aux leaders et à leur peuple, mais aussi à ceux qui se battent dans la diaspora, de parler d’une seule voix et, ainsi, d’accompagner leurs discours par des actes de terrain qui soient de nature à mettre fin à la malédiction bongoïste. Ce n’est pas le régime des Bongo qui est difficile à défaire. Ce qui est difficile, en réalité, c’est d’amener tout le monde à comprendre que le moment d’organiser la rue est arrivé, et que pour cela, on ne dialogue plus avec les Bongo, on ne négocie plus avec les Bongo, on ne va plus à des élections perdues d’avance avec les Bongo, on ne partage plus le pouvoir avec les Bongo.
A ce titre, je ferai dans les toutes prochaines semaines des propositions visant à la mise en place d’une opposition de combat qui mettrait de côté les approches électoralistes pour se consacrer à ce qui, aujourd’hui, devrait être la priorité de tous, c’est-à-dire d’abord, chasser les Bongo du pouvoir, et ensuite seulement parler d’organiser des élections libres et transparentes qui ouvriraient la voie de la démocratie, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et de la dignité pour tous, au Gabon.
Chers compatriotes, le temps des chefs de guerre est arrivé. Bongo doit partir.
Vive le Gabon ;
Vive la République.
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