Toujours la même mise en scène : une promesse de gains rapides, des investisseurs avides et peu regardant sur un actif dont tout le monde parle sans vraiment le connaître. Si en Europe et en Afrique de l’Ouest un système nommé «Crowd1» se répand, au Gabon une soi-disant épargne en ligne baptisée «Coffre 2 Lux» brandit déjà son appât : un gain de 80.000 francs pour une mise de 10300 francs CFA. Les Gabonais ont visiblement oublié l’arnaque de BR Sarl.
Escroquerie ou ingéniosité en période de crise sanitaire relative au Covid-19 ? C’est selon. Pour ses promoteurs, «Coffre 2 Lux» est une épargne en ligne permettant de multiplier rapidement son argent. Sur la base d’une simple inscription payante (10 300 francs CFA), on peut espérer toucher 80 000 francs CFA très vite. Après la mise initiale, il suffit d’enrôler 8 autres membres sur 4 paliers à gravir, à raison de deux recrutements à chacun de ces paliers. Les quatre niveaux se décomposent ainsi : promoteur, organisateur, détenteur de coffre et preneur.
«Opportunité à saisir… Avec Coffre 2 Lux gagne plus… Débourse 10 300 francs CFA et gagne 80 000 francs CFA… C’est tout simplement du réel. Travailler l’argent depuis chez vous… Une fois inscrit vous intégrez un groupe de quatre places présenté comme des coffres et êtes inscrit sur la liste des personnes devant obtenir les 80.000 promis». Tel est l’appât ou message promotionnel de ce système d’arnaque pouvant faire perdre des sommes importantes à des épargnants espérant réaliser un investissement sûr et rentable.
BR Sarl, Bernard Madoff et Charles Ponzi
La méthode rappelle à certains égards le système de Ponzi : un montage financier frauduleux consistant à rémunérer les investissements des clients avec les fonds procurés par les nouveaux entrants. Le procédé tient son nom de Charles Ponzi, devenu célèbre après avoir mis en place une opération fondée sur ce principe à Boston dans les années 1920. Plus près dans le temps, cette arnaque ramène au souvenir de Bernard Madoff, un homme d’affaires new-yorkais condamné à 150 ans de prison pour avoir mis en place une chaîne de Ponzi ayant brassé plus de 50 milliards de dollars (plus de 29,8 milliards de francs CFA). Dite «pyramidale», cette arnaque promettait aux investisseurs un retour sur investissement très élevé, payé grâce aux personnes investissant après elles. En tout cas, tout marche tant que de nouveaux pigeons entrent dans le système.
En général, le château de cartes peut tenir plusieurs mois, voire plusieurs années, sans être détecté. Les premiers arrivés étant généralement remboursés, ils sont de surcroît susceptibles de faire la promotion du système et d’encourager de nouvelles recrues. Mais le nombre d’investisseurs devant croître de manière exponentielle, il arrive un moment où la chaîne ne peut plus trouver assez de monde… et s’écroule. Il n’y a alors plus d’argent dans les caisses pour rembourser les derniers investisseurs arrivés.
Au Gabon, l’épargne de près de 10.000 personnes a été malhonnêtement raflée par la société Bâtisseur de richesse (BR Sarl) du pasteur Yves David Mapakou. Des publireportages faisant témoigner des clients ayant gagné grâce à cette société passaient à la télévision où ses publicités clamaient : «Si j’épargne 1 million de F CFA, je gagne 200 000 F CFA de bénéfice par mois». De nombreux Gabonais ont visiblement oublié l’écroulement, en 2015, de la vaste arnaque. Les pigeons plumés manifestent souvent à Libreville, demandant justice et remboursement de leur épargne. Ici également, il était question d’une fraude pyramidale [ou chaîne de Ponzi] consistant à rémunérer les dépôts des premiers épargnants directement à partir des dépôts des épargnants suivants. Le système avait fini par atteindre la saturation menant à son écroulement.
Coffre 2 Lux : 80.000 francs pour une mise de 10.300 francs CFA
Depuis Madoff qui promettait très gros, les arnaqueurs et arnaqueuses ont revu à la baisse la grosseur de leurs appâts. Ils ne promettent plus monts et merveilles mais des profits modestes, afin de laisser croire à un retour d’investissement plausible. C’est le principe «plumer moins pour mieux plumer».
En tout cas, le fonctionnement est d’une grande simplicité. L’initiateur de la chaîne promet toujours un rendement alléchant à l’épargnant, comme c’est le cas actuellement sur Facebook au Gabon, où pour seulement 10.300 francs investis, on empoche 80.000 francs sur la base d’un recrutement pyramidal de filleuls, ainsi qu’expliqué plus haut.
Flou juridique et inattention des autorités
Alors que Coffre de Lux se répand au Gabon, opérant également sur WhatsApp avec des numéros de téléphone permettant d’en joindre les promoteurs, les autorités gabonaises n’y font pas attention. Elles se sont pourtant toujours vanté d’avoir réussi une chose : le renseignement. Sans doute attendent-elles des dégâts humains pour interdire cette arnaque dans un pays où on tue parfois pour une boîte de sardines.
Dans le cas de BR Sarl, l’ancien ministre de l’Économie, Régis Immongault, avait fini par être indexé. On accusait l’État d’avoir laissé faire alors que les publicités de l’entreprise fraudeuse passaient partout. Publié après coup, un communiqué du ministère incriminé avait finalement annoncé que «cette entreprise et ses dirigeants sont donc susceptibles d’être poursuivis et seront effectivement poursuivis pour exercice illégal de l’activité de microfinance.»
Personne n’est épargné par la fraude, petit ou gros épargnant, chacun peut être victime à un moment ou à un autre d’une arnaque. Vigilance et raison sont les meilleures défenses. Mieux vaut donc se montrer prudent en matière d’épargne. Et s’il est a priori impossible de s’assurer à 100% de la fiabilité de sa contrepartie, quelques précautions peuvent néanmoins permettre de déceler les ficelles les plus grossières.