En Tunisie, l’Assemblée des représentant du peuple (ARP) a entamé ce mardi 9 juin en séance plénière la discussion de la motion déposée le 12 mai par la coalition Al Karama (La dignité) exigeant de la France des excuses sur les crimes commis pendant et après la colonisation du pays. La motion divise la classe politique tunisienne. En effet, certains considèrent que cette question relève des prérogatives du Président de la République, quand d’autres estiment qu’elle pourrait nuire aux intérêts de la Tunisie.
Le porte-parole d’Al Karama, le député Seif Eddine Makhlouf, a expliqué sur Facebook la genèse de cette motion, affirmant qu’il était nécessaire que «les dossiers des crimes, du pillage des ressources de la Tunisie et des contrats bilatéraux, avant et après la colonisation, soient posés».
Dans le même sens, soulignant que «la France avait donné ses instructions à ses relais [en Tunisie, ndlr] qui vont trouver ou créer toutes les excuses à leur servitude» dans le but de faire échouer cette initiative, M.Makhlouf a indiqué que «des pressions intérieures et extérieures terribles étaient exercées sur les députés pour influencer leur position sur cette motion».
Une motion qui divise
À la demande du groupe parlementaire du parti de l’ex-candidat à la présidentielle Nabil Karoui, Qalb Tounes (Au cœur de la Tunisie), la séance plénière a été levée quelques minutes après son ouverture, rapporte Gnet News.
Ainsi, Oussama Khelifi, président du groupe Qalb Tounes, a fait savoir qu’une correspondance avait été envoyée au Président de la République Kaïs Saied «pour connaître sa position étant donné que la question relève de ses prérogatives, comme le prévoit la Constitution». À cet effet, le député a «demandé l’interruption de la séance plénière pour apprendre l’issue du courrier».
De son côté, Ali Laarayedh, ex-Premier ministre issu du parti islamiste d’Ennahdha (La renaissance), a estimé dans une déclaration ce mardi 9 juin au site d’information arabophone Al Chourouk qu’«exiger des excuses à la France portera atteinte aux intérêts de la Tunisie». Il a appelé les députés à voter contre cette motion tout en demandant à la présidence la République, au chef du gouvernement et au ministère des Affaires étrangères d’agir «pour éviter à la Tunisie ce dont elle n’a pas besoin» en ce moment.
Le rapport de l’IVD
En juin 2019, dans une déclaration à France Inter, Sihem Ben Sedrine, présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) chargée de la justice transitionnelle en Tunisie, a affirmé que la France avait commis des crimes dans le pays en 1956, alors qu’il était indépendant.
«Les premières violations commises par l’État français à travers ses parachutistes et son aviation, c’est en juillet 1956», a-t-elle déclaré, ajoutant que «la Tunisie était indépendante, et ils ont pilonné tout le sud et ont tué des centaines de Tunisiens».
Mme Ben Sedrine a assuré que l’IVD avait documenté ces crimes dans les moindres détails, insistant sur le fait que «le grand massacre, c’était celui de Bizerte». «Ils ont tué un peu moins de 5.000 personnes», a-t-elle ajouté, précisant que parmi les morts il y avait «environ 300 militaires, mais tous les autres étaient des civils». «Il est temps aujourd’hui que la France se réconcilie avec ses valeurs et avec ses anciennes colonies. […] Et qu’on puisse construire un futur apaisé», a-t-elle conclu.