Le virologue marseillais est un auteur particulièrement prolifique. Mais certaines de ses pratiques dérangent ses confrères, explique « Le Parisien ».
Il est devenu la coqueluche des médias au cours des derniers mois. Adulé par les uns, critiqué par les autres, le professeur Didier Raoult, défenseur d’un traitement basé sur l’hydroxychloroquine face au coronavirus ne laisse pas indifférent. Mais avant d’exploser aux yeux du grand public, le directeur de l’IHU Méditerranée s’était déjà fait un nom dans le monde médical, grâce à de nombreuses publications.
Selon le site Web de l’institut il serait même « le chercheur européen dont les publications ont été le plus citées par la communauté internationale ». Comme le note le Parisien, sa capacité à produire autant interroge pourtant certains de ses confrères.
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut tout d’abord se pencher sur les chiffres. PubMed, le principal moteur de recherche sur les publications scientifiques, recense 1 836 articles du professeur Didier Raoult entre 1995 et 2020. Soit plus de 120 par an. Un chiffre qui a attiré l’attention de certains scientifiques qui ont donc enquêté sur ses méthodes. Bilan ? Une large partie de ses publications se fait dans des revues où travaillent des membres de son équipe.
Ainsi, il aurait publié 230 études dans New Microbes and New Infections. Or, le directeur de la publication de la revue est Michel Drancourt, adjoint de Didier Raoult au sein de l’IHU et collaborateur du virologue depuis 35 ans. Des membres de l’IHU ont des fonctions éditoriales dans près de la moitié des revues où il est le plus prolifique.
Une question financière
Le professeur Francis Berenbaum, du centre de recherche Saint-Antoine à Paris, jette un regard critique sur la situation. « Lorsqu’une équipe envoie son travail à une revue tenue, finalement, par elle-même, c’est caractéristique du conflit d’intérêts », explique-t-il au Parisien. Du côté de l’IHU Méditerranée, on parle d’accusations « sans preuve » et de « spéculations ».
Pourquoi le sujet est-il aussi important ? En raison de l’impact sur le financement des établissements de santé. Les dotations de l’État sont en effet directement reliées au nombre de publications signées par des chercheurs d’un établissement. Chaque publication peut rapporter jusqu’à 32 points, selon le classement de la revue et le rang de l’auteur dans l’étude. Chaque point a ensuite une valeur de 600 euros par an pendant 4 ans. Patrick Devos, un statisticien de l’université de Lille qui a contribué à mettre au point ce système s’interroge sur « une manière détournée de booster son score ». Dès 2017, la Cour des comptes poussait pour une modification des « modalités d’affectations des recettes », jugeant le système « insuffisamment discriminant selon la qualité des recherches ». Sans effet pour l’instant.