En misant sur le confinement, l’équipe de Julien Nkoghé Békalé fait peser une lourde hypothèque sur l’avenir. En combinant mesures-barrières, utilisation du gel hydro-alcoolique et vaccination à certaines pathologies, la vie peut reprendre son cours normal.
Le pouvoir exécutif en eaux troubles. A l’intérieur du sérail, certains nourrissent certainement une idée. Mais, pour le commun des mortels, la stratégie gouvernement semble indéchiffrable. À tous les égards, elle ne correspond ni à l’environnement national ni à la réalité internationale. En s’entêtant dans la voie actuelle, le gouvernement fait peser une lourde hypothèque sur l’avenir. Moquée, qualifiée d’«amateure», accusée de faire du «copier-coller», l’équipe de Julien Nkoghé Békalé peine à convaincre. Donnant le sentiment d’être dépassée, elle ne rassure guère. Incapable d’indiquer un cap, elle n’esquisse pas d’horizon. À court ou à moyen terme, elle n’offre aucune perspective. Si elle continue à plaider pour le confinement, d’aucuns se demandent si cela fait encore sens. Son attitude déroute, laisse dubitatif et nourrit bien des craintes.
La bouteille à l’encre
Sans préjugé et loin de toute obstination, chacun peut se pencher sur les choix stratégiques du gouvernement. Si rien n’est décidé au sujet de l’année scolaire, si la loi de finances rectificative va à contre-courant des attentes des classes moyennes, le maintien du confinement pourrait être interprété au mieux comme une fuite en avant, au pire comme de l’irresponsabilité. Tout le monde en a conscience : durant les trois derniers mois, le tissu économique et social a été mis à rude épreuve. Chacun le sait : politiquement, économiquement ou socialement, la facture sera salée. Peut-être même trop… Comme jamais auparavant, les forces sociales sont tombées dans une atonie générale, les libertés publiques et individuelles ont été bridées, le secteur productif a réduit la voilure, la petite économie a baissé pavillon et, de nombreux emplois ont été temporairement détruits. Au-delà des considérations partisanes, personne ne peut se hasarder à dresser un véritable état des lieux. Nul ne peut dire combien d’emplois ont été définitivement perdus. Dans le secteur éducatif, c’est la bouteille à l’encre. Le gouvernement redoute-t-il le moment où il faudra faire les comptes ? Possible.
Bien sûr, d’aucuns dénonceront un discours de Cassandre ou propre aux apprentis-sorciers. Ce sera leur affaire. A moins de jouer les Candide ou de militer pour une politique de l’autruche, tout citoyen conscient peut se faire du souci sur au moins deux points : la scolarité des enfants et, le maintien du pouvoir d’achat. Entre le silence du ministre de l’Éducation nationale et la pression fiscale, rien ne semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Or, pour envisager l’avenir, il faut maîtriser la situation. Pour accroître les prélèvements sur les personnes physiques, il faut s’assurer de leur solvabilité. S’étant doté d’un plan anti-pandémie, le secteur éducatif français a pu parer au plus pressé. Ayant, depuis longtemps, mis en place des filets de protection sociale, la France a pu amortir le choc. Ne disposant ni de l’un ni des autres, le Gabon ne peut allonger le confinement, au risque de désarticuler son système éducatif et de paupériser davantage les populations.
Soupçons de politisation
Face aux incertitudes de l’avenir, au vu de la tendance internationale, le gouvernement doit se dire une chose simple : comme pour le paludisme, la tuberculose ou le sida, le Gabon doit se préparer à vivre avec le coronavirus. Il doit réfléchir aux moyens de sortir de la crise actuelle sans compromettre ni la scolarité, ni le pouvoir d’achat ni la santé des populations. Contrairement à une idée reçue, la fin du confinement ne transformera pas le Gabon en foyer de contamination. Tout réside dans la capacité d’organisation et la fiabilité du mécanisme de prévention. Sauf à nourrir des arrière-pensées politiciennes, il est tout à fait envisageable d’agir en amont pour réduire l’évolution de la maladie et la prévalence des incapacités.
En effet, en combinant mesures-barrières, utilisation du gel hydro-alcoolique et vaccination à certaines pathologies, la vie peut reprendre son cours normal. Eu égard aux chiffres annoncés par le Comité de pilotage du plan de veille pour la riposte contre le coronavirus (Copil), on ne peut continuer à présenter le confinement comme la solution-miracle sans éveiller des soupçons de politisation. Des pays comme le Bénin n’ont nullement eu recours à cette technique datée, rappelant le Moyen-Age. Ce choix s’est-il révélé suicidaire ? Nul ne peut le prétendre. Pourquoi le Gabon doit-il feindre de ne pas s’en rendre compte ou de ne pouvoir en tirer des enseignements ? Dans l’intérêt du pays, il est peut-être temps de traiter la crise du covid-19 sous un angle purement technique, débarrassé de calculs politiciens.