Comme prévu, l’accusation réclame l’invalidation du procès et l’annulation des acquittements. Ce matin, ses conseils ont pris la parole pendant trente minutes pour défendre cette démarche. Le bureau du procureur dénonce des vices de procédure commis par la chambre de première instance. La substitut du procureur évoquait ce matin le fait que les magistrats avaient remis leurs motivations écrites six mois après avoir décidé d’acquitter l’ancien président et l’ancien ministre la Jeunesse de Côte d’Ivoire.
Pour rappel, le 15 janvier 2019, les juges de la chambre de première instance avaient prononcé l’acquittement de l’ancien chef de l’État ivoirien, à l’oral. Une décision présentée comme étant « prise à la majorité ». Et six mois plus tard, les juges avaient rendu leur mémoire écrit, détaillant les arguments qui avaient motivé l’acquittement. Cette décision d’acquittement « n’est pas un patchwork », souligne Me Gallmetzer Reinhold, elle aurait dû être prononcée au moment où le mémoire écrit était prêt.
Pour l’accusation, lorsqu’ils ont pris leur décision en janvier 2019, les juges ne pouvaient pas avoir eu le temps d’analyser les 4 600 pièces à conviction et les 96 témoignages présentés au cours des trois années dédiées à l’accusation. Elle estime donc que cela a eu un impact sur le résultat final, c’est-à-dire l’acquittement.
« Fondamentalement injustes »
Du côté des victimes, l’avocate a dénoncé des procédures « fondamentalement injustes ». Elle a aussi rappelé les divergences entre les trois juges, tout au long de l’affaire. Pour Me Paolina Massidda, le procès n’a pas permis de faire la lumière sur la crise de 2010-2011 : « Le droit à la vérité, à la justice et éventuellement à des réparations a été biaisé en raison de l’incapacité de la chambre de première instance à mener une procédure équitable. Nous avons identifié plusieurs erreurs dans la décision écrite des juges. Ils ne sont pas parvenus à faire la lumière sur la crise post-électorale en Côte d’Ivoire. »
Pour la défense, ces arguments ne sont pas fondés. Pendant deux ans, la procureure a eu le temps, de présenter son cas, les droits de Laurent Gbagbo étaient au cœur des démarches des juges. « Quelle justice aurait été rendue si les juges avaient attendu six mois de plus pour rendre leur décision », s’interroge Me Jacobs.
La Cour pénale internationale a pris des mesures spécifiques en raison de la pandémie de coronavirus. C’est donc une audience particulière sur la forme qui se tient pour trois jours. C’est une audience semi-virtuelle. Les membres de la CPI sont en télétravail depuis plusieurs semaines : c’est une reprise progressive. Tout a été fait pour respecter les gestes barrières : trois juges sur cinq siègent dans la salle d’audience, certains acteurs du procès participent à l’audience depuis une autre pièce du tribunal. Même si les Pays-Bas ne sont plus confinés, que les frontières européennes sont quasiment ouvertes, la Cour reste prudente, elle est donc restée fermée à la presse et au public.
Et seuls quelques acteurs sont présents dans la salle d’audience, dont Charles Blé Goudé, costume bien arrangé et masque sur le nez, qui réside à La Haye et s’est rendu ce matin à la Cour en vélo. De son côté, Laurent Gbagbo suit l’audience par vidéo depuis sa résidence de Bruxelles, tout comme Me Emmanuel Altit, son avocat principal. Les audiences ont été étalées sur trois jours, avec plusieurs pauses afin de corriger des erreurs techniques. C’était notamment le cas ce matin, au niveau de la traduction qui ne parvenait pas à suivre le rythme.
Publié le : 22/06/2020 – 16:30
Modifié le : 23/06/2020 – 08:17