La réforme du Code pénal ne vise nullement à défendre des droits ou à vulgariser un fait de civilisation. Elle a plutôt pour objectif de détourner les citoyens des préoccupations du moment. En communication politique cela porte un nom : stratégie de la diversion.
De prime abord, on n’en connait pas les motivations profondes. Mais l’homosexualité est au centre du débat public. Alimentant la controverse, elle est subitement devenue la préoccupation majeure des Gabonais, bien loin devant la covid-19 et ses conséquences. Ni la scolarité des enfants ni la pression fiscale ne font couler autant d’encre et de salive. Comme par un tour de passe-passe, ce sujet a été remis au goût du jour, au point de devenir un exutoire populaire. Jour après jour, il cristallise fureurs et rancœurs, laisse libre cours à toutes les approximations. Avec une facilité déconcertante, les populations s’en donnent à cœur joie. Partout, une seule notion revient : la dépénalisation de l’homosexualité. Jugée attentatoire à nos us et coutumes ou à la morale religieuse, elle est analysée, retournée dans tous les sens.
Des pressions extérieures ? Trop facile
Si de nombreux arguments peuvent se soutenir, s’ils méritent d’être respectés, ils ont un air de déjà entendu. En juillet 2019, c’est-à-dire il y a exactement 11 mois, ils avaient déjà été avancés à la faveur du débat sur… la pénalisation de l’homosexualité. Malgré les mises en garde de nombreux observateurs, cette loi fut soutenue puis votée par le Parlement. Pourquoi ce rétropédalage subit ? En raison de pressions extérieures ? Trop facile. Pour préserver l’image du pays ? Peu convaincant. Si ce thème a été actualisé, c’est pour des raisons autrement plus inavouables. Certainement par calcul politicien. Or la dépénalisation n’influencera en rien le quotidien des homosexuels vivant au Gabon. Autrement dit, la réforme du Code pénal ne vise nullement à défendre des droits, à promouvoir une certaine idée du vivre-ensemble ou à vulgariser un fait de civilisation. Elle a plutôt pour objectif de détourner les citoyens des préoccupations du moment. En communication politique cela porte un nom : stratégie de diversion.
Depuis quelques jours, les adversaires de la dépénalisation convoquent le sens de l’histoire. Ils en appellent à nos us et coutumes, prétendument en danger. Ils se réfèrent à la sociologie, à la psychologie et même à la santé mentale pour délégitimer l’homosexualité. Ils ont recours aux lois de la nature pour demander aux uns et autres d’envisager la sexualité comme des rapports entre gens de sexes opposés. Ils s’inquiètent pour la survie de notre société et de leur descendance, menacées par on ne sait quelle catastrophe. Ils dissertent sur les bonnes mœurs et l’ordre public, sur le rôle de l’État, sur son droit de légiférer ou pas sur toute matière. Ils imaginent même comment prouver un rapport sexuel devant le juge. Naturellement, ils tirent des parallèles avec l’adultère ou les pratiques sadomasochistes et bucco-génitales. Face à ce foisonnement d’arguments tout à trac, la pente glissante ne les effraie guère.
Arrière-pensée politicienne et naïveté
En évoquant la liberté de chacun de s’amouracher de la personne de son choix, les défenseurs de la dépénalisation entretiennent, les premiers, la confusion. Y compris pour les hétérosexuels, les relations passagères, le concubinage et l’union libre n’ont jamais été gravés dans le marbre de la loi gabonaise. Seul le mariage y figure. Est-il question de mariage entre gens de même sexe ? Pourquoi revendiquer la liberté d’aimer ? Les pressions et violences subies par les homosexuels ? Où, quand et par qui ont-elles été documentées ? Certains homosexuels ou lesbiennes étant des personnalités publiques, revendiquant ou assumant leur sexualité, tout Gabonais adulte peut en citer nommément au moins un. Si l’homosexualité se traduisait par des représailles sociales, des anecdotes se raconteraient à la pelle. Or personne n’a souvenance de violences subies par des homosexuels reconnus comme tel.
La défense ou la protection des droits humains ? Cet argument est un écran de fumée. Il vise à légitimer un débat artificiellement entretenu. S’ils tolèrent l’homosexualité, les adeptes de la dépénalisation savent combien ce sujet déchaîne les passions. Ne pouvant être rangés parmi les défenseurs des droits humains, ils l’attisent pour mieux étouffer les sujets de l’heure. S’ils militaient pour les droits humains, on n’aurait pas eu droit à un passage en force pour la loi sur les catastrophes sanitaires. Dans le contexte d’incertitude actuel, peut-on initier des réformes sociétales sans être suspecté d’arrière-pensée politicienne ? Peut-on les nourrir sans être accusés de naïveté ? Aux tenants et adversaires de la dépénalisation d’y répondre. Refusant de se joindre à ce concert d’amalgames, les vrais défenseurs des droits humains, les citoyens avertis, ne se laisseront pas distraire. Ils ne mêleront pas leurs voix à celles des adeptes de la politique de l’autruche.