Le vice-Premier ministre en charge de la Justice, Célestin Tunda Ya Kasende, a été brièvement interpellé ce samedi, à Kinshasa, en pleine polémique sur la réforme judiciaire initiée par le camp Kabila.
La séquence va-t-elle laisser des traces et fragiliser le tandem Front commun pour le Congo-Cap pour le changement (FCC-Cach, au pouvoir) ? Ce samedi 27 juin, le vice-Premier ministre en charge de la Justice, Célestin Tunda Ya Kasende, a été arrêté et conduit au bureau du procureur général près la Cour de cassation, dans la commune de la Gombe, avant d’être libéré quelques heures plus tard.
Selon nos informations, la police s’est présentée à son domicile aux alentours de 14h, munie d’un « mandat d’arrêt ». Tunda Ya Kasende s’est d’abord enfermé chez lui, le temps de passer quelques coups de fil et de s’enquérir des raisons de cette interpellation. « Il s’est rendu quand la police a menacé de forcer l’accès de sa résidence », rapporte l’une de nos sources.
Durant son audition, la tension est montée devant le bureau du procureur général. Plusieurs membres influents du FCC se sont rassemblés à l’extérieur du bâtiment. Parmi eux, Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin de Joseph Kabila lors de la dernière élection présidentielle, le député Aubin Minaku, mais aussi Jaynet Kabila, la soeur jumelle de l’ancien président.
S’adressant à la presse après sa libération, Célestin Tunda Ya Kasende, qui occupe un poste stratégique parmi ceux qui reviennent au FCC, a exprimé son indignation : « Ai-je tué quelqu’un pour que l’on envoie des policiers avec armes pour venir m’arrêter ? »
« Parce qu’il a défendu sa position de manière démocratique […], il a été interpellé, la police a entouré sa maison, bien armée, et on l’a pris comme un malfrat, s’est ensuite emporté Emmanuel Ramazani Shadary. Où allons-nous dans ce pays ? Nous avons l’impression que l’on veut instaurer ici, petit à petit, une dictature plus forte que celle de Mobutu. Mais au PPRD [Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, de Joseph Kabila], nous disons non et nous allons résister contre cette dictature. »
Cet épisode survient alors qu’une proposition de réforme judiciaire, initiée par deux députés du FCC, Aubin Minaku et Gary Sakata, a suscité ces derniers jours une vaste polémique. Le problème ? Elle vise à consolider les attributions du ministre de la Justice, qui verrait son autorité sur les magistrats du parquet croître, et ce alors même que le président Félix Tshisekedi a fait du renforcement de la justice l’une de ses priorités.
« Manque de sincérité »
C’est dans ce contexte que s’est tenu, le 26 juin, un conseil des ministres houleux, au cours duquel la réforme proposée a été évoquée. Les membres du conseil des ministres ont appris – « avec surprise » précise le compte-rendu diffusé par la présidence – que le ministre de la Justice avait déjà transmis, sur « initiative personnelle », ses observations à l’Assemblée nationale.
à lire Tensions à Kinshasa : pro-Tshisekedi et pro-Kabila se déchirent sur la réforme judiciaire
« Le conseil des ministres a jugé inopportun de poursuivre l’examen de cette question », concluait sobrement le compte-rendu. Selon nos informations, le président Tshisekedi, qui avait dû quitter le conseil pour participer à une réunion de l’Union africaine, avait tout de même dénoncé un « manque de sincérité » dans la démarche du ministre de la Justice.
Manifestations
Déposées le 5 juin dernier, les trois propositions de lois au coeur de ce nouveau bras de fer entre le FCC et Cach ont par ailleurs été votées ce samedi par la commission politique et administrative de l’Assemblée nationale, mais en l’absence des députés de l’opposition et de ceux de Cach, qui ont suspendu leur participation aux travaux.
Ces propositions avaient provoqué de violentes protestations cette semaine à Kinshasa. Le 24 juin plusieurs manifestants se sont rassemblés aux alentours du Palais du peuple pour dire leur opposition à cette réforme. Les résidences de certains cadres du FCC, dont celle d’Aubin Minaku, ont été prises pour cible. L’opposition et la société civile ont dénoncé ces initiatives du FCC qui visent, selon eux, à « museler » la justice. Pour la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), « chercher à faire passer l’examen de ces questions par des coups de force risquerait de plonger le pays dans le chaos ».