Les chiffres restent faibles, comparés à ceux de l’Europe ou des Etats-Unis, mais l’OMS semble préoccupée par l’augmentation des contaminations.
La pandémie de Covid-19, qui a, dans un premier temps, progressé moins vite en Afrique que dans d’autres régions du monde, frappe désormais durement le continent le plus pauvre, source de préoccupation pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Selon les chiffres compilés par les centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) en Afrique, mercredi 29 juillet, près de 872 000 cas de contamination ont été enregistrés sur l’ensemble du continent, dont au moins 18 475 décès dus au Covid-19. L’Afrique, qui compte 1,2 milliard d’habitants (soit plus d’un sixième de la population mondiale), ne pèse que pour 5,45 % des contaminations et seulement 2,8 % des décès dans le monde. A titre de comparaison, les Etats-Unis, avec leurs 328,2 millions d’habitants, comptabilisent 4 352 084 personnes contaminées et 149 258 morts, soit à eux seuls plus d’un quart des personnes contaminées dans le monde et un cinquième des décès.
Mais, bien que ces chiffres sont très inférieurs à ceux des Etats-Unis ou de l’Europe, le directeur des situations d’urgence sanitaire à l’OMS, Michael Ryan, s’est récemment dit « préoccupé » par l’« accélération » des contaminations en Afrique, où les systèmes de santé publics sont défaillants.
Des mesures précoces et strictes de confinement ont, dans un premier temps, « permis de ralentir la progression » de l’épidémie en Afrique, a relevé Mary Stephens, experte du bureau régional de l’OMS en Afrique, interrogée par l’AFP. Mais le pic de la pandémie est à venir, a-t-elle prévenu, alors que de nombreux pays ont assoupli les restrictions pour éviter un effondrement de leur économie. Voici le point sur la situation dans des pays-clés du continent.
L’Afrique du Sud, l’épicentre continental
L’Afrique du Sud est de loin le pays du continent le plus touché, avec plus de 459 761 cas de contamination au nouveau coronavirus, dont 7 257 décès. A l’échelle mondiale, elle figure en cinquième position des pays avec le plus grand nombre de contaminations.
Le taux de mortalité y reste, cependant, faible avec 1,6 % des cas. Mais il pourrait être très largement sous-estimé. Selon des chercheurs, environ 17 000 décès supplémentaires, non comptabilisés parmi les morts du Covid-19, ont été enregistrés depuis début mai, par rapport à la même période en 2019.
Selon le ministre de la santé, Zweli Mkhize, « le pic de la pandémie aura lieu en juillet, en août et en septembre ». Le pays a imposé fin mars l’un des confinements les plus stricts au monde, avant de l’assouplir. Mais, face à l’explosion des contaminations, les écoles viennent de nouveau d’être fermées pour un mois et un couvre-feu a été rétabli.
Egypte, l’épicentre du Maghreb
Depuis la fin du mois de mai, les autorités rapportent plus de 1 000 nouvelles infections quotidiennes, et le Syndicat des médecins, qui représente les quelque 110 000 praticiens du pays, a mis en garde contre un « possible effondrement total » du système de santé si les autorités ne réagissaient pas. Depuis le début de la crise, les médecins ont maintes fois interpellé les autorités sur le sort des soignants, sous-équipés et peu préparés à faire face au nouveau coronavirus.
La réponse répressive du Caire, qui emprisonne certains d’entre eux en les accusant de « diffusion de fausses informations », « d’appartenance à un groupe terroriste » et « de porter atteinte à la sécurité de l’Etat » ne porte pas à la confiance. A ce jour, l’Egypte compte 92 947 cas de contamination et 4 691 décès.
L’Algérie s’alarme
Depuis le début du mois de juillet, le nombre officiel de contaminations par jour frôle les 500 cas, contre 250 fin juin. Un chiffre sous-estimé, selon les médecins, qui multiplient les appels de détresse sur les réseaux sociaux, s’alarmant d’une situation catastrophique dans plusieurs hôpitaux.
Le gouvernement algérien, qui tenait jusqu’ici un discours rassurant, a pris, le 9 juillet, de nouvelles mesures pour enrayer cette flambée, dont l’interdiction de la circulation automobile entre les 29 départements les « plus affectés » pendant une semaine et des reconfinements partiels dans près de 25 communes du pays.
Au total, 28 615 cas de contamination ont été enregistrés dans le pays et 1 174 décès depuis le début de l’épidémie, ce qui en fait le troisième le plus touché du continent en nombre de morts.
Le Maroc boucle huit villes
Une semaine après avoir annoncé l’allègement des mesures de confinement, Rabat a dû faire machine arrière en décidant, lundi 26 juillet, de fermer huit grandes villes afin d’enrayer une forte hausse des contaminations avec 811 nouveaux cas samedi et 633 dimanche.
Le royaume chérifien compte 21 387 cas de contamination, dont 327 décès pour une population de 36 millions d’habitants. A l’approche de la grande fête du sacrifice, l’Aïd Al-Adha, l’interdiction de déplacement touche notamment Casablanca, la capitale économique, Marrakech, la capitale touristique, Tanger, le deuxième pôle économique du royaume, et Fès.
Le Maroc autorise depuis juin l’ouverture des cafés, des restaurants et des commerces ainsi que le tourisme intérieur, mais l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 10 août.
Le Nigeria, le plus peuplé
Le Nigeria, poids lourd démographique du continent avec ses 200 millions d’habitants, est le deuxième pays le plus touché en Afrique subsaharienne avec plus de 41 000 cas, dont au moins 860 morts.
Cependant, les chiffres pourraient être très largement sous-estimés faute de tests disponibles. Le pays réalise seulement 3 000 tests quotidiens, environ un dixième du nombre de tests effectués en Afrique du Sud, qui ne pèse qu’un quart de la population nigériane.
« Pour chaque cas identifié, d’autres nous échappent, car nous ne pouvons pas tester tout le monde », a reconnu Sani Aliyu, à la tête de la riposte chargée de lutter contre le virus.
Dans la capitale économique Lagos, épicentre de la pandémie au Nigeria, va rapidement se poser un problème de place pour isoler les patients, a prévenu le responsable municipal de la santé, Akin Abayomi.
Année scolaire blanche au Kenya
Le nombre de cas au Kenya a triplé en un mois, avec près de 18 000 contaminations confirmées, dont 285 décès.
Sous pression du secteur privé, le pays a récemment levé l’interdiction de quitter Nairobi et Mombasa, principaux foyers de l’épidémie, ou de s’y rendre.
Mais lundi, le président Uhuru Kenyatta a annoncé l’interdiction de la vente d’alcool dans les restaurants et la prolongation d’un mois du couvre-feu pour enrayer la propagation « agressive » du Covid-19. Quant aux écoles primaires et secondaires, elles ne rouvriront qu’en janvier 2021.
Premier pic passé au Cameroun
Le Cameroun, qui n’a pas imposé de confinement strict, est le pays d’Afrique centrale le plus touché avec plus de 16 000 cas et 391 décès.
« Un premier pic de l’épidémie est survenu entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet », selon Yap Boum, représentant pour l’Afrique d’Epicentre, la branche recherche et épidémiologie de Médecins sans frontières (MSF). Mais « ceci ne veut pas dire que la pandémie est terminée, non ! », insiste-t-il.
Madagascar et sa « tisane »
Le président Andry Rajoelina continue de vanter les vertus prétendument préventives et curatives d’une tisane contre le Covid-19 à base d’Artémisia annua. Mais aucune étude scientifique n’a, cependant, confirmé son efficacité.
La tisane a été largement distribuée gratuitement dans le pays, ce qui n’a pas empêché le virus de continuer à circuler, contaminant 10 104 personnes, dont 93 sont mortes.
Le 20 juillet, dans une lettre adressée aux partenaires techniques et financiers du pays, le ministre de la santé, Ahmad Ahmad, a réclamé de toute urgence des équipements de santé supplémentaires pour lutter contre l’épidémie, alertant sur la situation des hôpitaux « débordés par l’afflux de formes sévères de la maladie, dont certains décèdent malheureusement faute d’accès aux soins ». Un cinglant désaveu de la gestion de la crise sanitaire.
Le cas de Djibouti
Djibouti, Etat confetti avec un million d’habitants, est le deuxième pays d’Afrique de l’Est le plus touché en nombre de cas avec 5 068 infections, dont 58 morts.
Le gouvernement explique ces chiffres par sa forte capacité à tester (+ de 5 % de la population) et sa politique intrusive de traçage des malades du Covid-19.
La Tanzanie dans le déni
La Tanzanie fait partie des quelques pays du monde à nier la gravité du virus. Les derniers chiffres officiels publiés par Dodoma datent de fin avril, comptabilisant seulement 509 cas de contamination et 21 décès pour une population estimée 56,3 %.
Le président John Magufuli affirme que le coronavirus ne circule plus, justifiant : « C’est la raison pour laquelle on ne porte pas le masque. Vous pensez qu’on n’a pas peur de mourir ? Non, c’est parce qu’il n’y a pas de Covid », a-t-il lancé lundi.
Le Monde avec AFP