Il y a ces derniers temps, notamment dans la manière de « s’opposer » des Gabonais, comme un paradoxe qui a besoin d’être analysé, ne fût-ce que pour recadrer ce que l’on perçoit ici et là comme irréconciliables contradictions dans les diverses fuites en avant électoralistes dans lesquelles aiment à désormais se réfugier bon nombre de nos compatriotes.
Je m’étonne de constater, surtout en ces derniers temps de masturbations électoralistes, que d’aucuns, dont certains disent avoir été « DTEistes » en 2016, semblent désormais utiliser leurs chancelantes positions électoralistes (ou anti-électoralistes) comme armes de « vengeance politique » envers ceux qui, hier, ont soutenu des positions différentes. L’on assiste ainsi à un curieux spectacle où ceux qui se disaient opposés aux élections en 2016 utilisent désormais leur revirement électoraliste de 2023 comme une « punition » envers ceux qui, en 2016, y étaient favorables. Pour les anti-élections de 2016 reconvertis en pro-élections de 2023, l’argument principal serait que, ayant eu raison de s’opposer en 2016 et n’ayant pas été écoutés par les électoralistes de l’époque, il ne leur resterait aucune autre option aujourd’hui que celle d’être favorable, cette fois-ci, à l’élection de 2023. Leur argument semble ainsi se limiter au seul besoin de « punir » les électoralistes de 2016 pour leur refus d’entendre raison. Autrement dit, ils vont participer en 2023 parce que les électoralistes de 2016 ne les ont pas écoutés en 2016.
Un peu puérils comme arguments, non ? Pis : Nos « chancelants » semblent inconsciemment avouer que leurs positionnements politiques ne se sont jamais faits sur la base des éléments objectifs et inviolables qui doivent guider leurs démarches politiques : ils fonctionnent à la manière des moutons, c’est-à-dire en fonction de ce que font les autres.
La politique étant l’art de la persuasion, l’on se serait normalement attendu à voir ceux qui s’opposèrent aux élections en 2016 se réjouir du volte-face des électoralistes d’hier. Un tel volte-face non seulement leur donne raison, mais en même temps vient grossir les rangs des potentiels révolutionnaires prêts à en découdre avec le régime des Bongo. Curieusement, ni l’un ni l’autre des camps ne semblent voir qu’en changeant de position, ils donnent automatiquement raison aux autres. Et dans ce mélimélo de contradictions, les électoralistes d’aujourd’hui ne semblent même pas se rendre compte qu’en renonçant à leur anti-électoralisme d’hier, ils se retrouvent dans le même camp politique que René Ndemezo’o, Éyegue Ndong et, même, tous les autres mangeurs professionnels qui se bousculent aujourd’hui au portillon des candidats accompagnateurs, ceux-là mêmes qui savent très bien qu’en participant, ce n’est pas l’intérêt du Gabon libre qu’ils recherchent, mais bel et bien l’esprit de bombance qui caractérise tous les parasites bongoïsés qui vident le Gabon de son sang depuis que les Français nous ont imposé la malédiction qu’on appelle Bongo.
L’on a alors envie de leur poser la question suivante, à nos acrobates politiques : Qu’est-ce qui a changé depuis 2016 qui les aurait convaincus que leur opposition à l’élection en 2016 fut une erreur ? Dès lors qu’un regard objectif sur l’élection de 2023 mènerait sans aucun doute au même constat d’élection perdue d’avance que celui qu’ils avaient dressé en 2016, ne leur paraît-il pas inacceptablement anachronique que, pour se dédouaner de ce revirement irrationnel, ils utilisassent comme justifications les positionnements contradictoires des autres, comme si s’opposer était une simple affaire d’émotions et de circonstances, et non point de convictions nourries aux immuables réalités politiques, économiques, sociales et culturelles du Gabon sous les Bongo ?
S’opposer à l’élection aujourd’hui parce que quelqu’un d’autre y était favorable hier ou se montrer favorable à l’élection aujourd’hui parce que d’autres y étaient opposés hier ne relève, hélas, d’aucune logique autre que celle d’âmes égarées dans une gymnastique mentale qui n’a de sens que pour ceux qui s’y adonnent. D’abord parce que s’opposer contre un régime comme celui des Bongo ne se porte pas, et surtout ne se change pas, comme un habit du dimanche. La logique voudrait que l’on s’opposât au régime des Bongo parce qu’on le sait mauvais et irrémédiablement incompétent. Et parce qu’on le sait mauvais et irrémédiablement incompétent, il importe peu quelle salade ce régime peut pondre dans ses discours en forme de tonneaux vides ou quelle mue de caméléon il peut opérer : l’on y restera toujours opposé, jusqu’à sa chute. C’est cela une opposition de convictions, celle qui se base sur les faits immuables du bongoïsme fossilisé que l’on se doit, dès lors, de combattre, toujours, jusqu’au bout. De même, s’opposer aux élections ne doit pas être comme un jeu de ping-pong mental. L’on s’oppose aux élections au Gabon parce que l’on sait, d’avance, que le système est tellement pipé qu’il est impossible à l’opposition gabonaise d’accéder au pouvoir par le simple jeu démocratique, et pacifique, des urnes. Et parce que cette réalité électoraliste reste fondamentalement immuable dans le contexte politique gabonais, il n’y a aucune circonstance qui puisse faire que celui qui s’est opposé aux élections d’hier change aujourd’hui d’avis alors que rien de fondamentalement réformiste ne s’est passé depuis, au moins, les déboires de 2016 qui eût pu justifier un changement de position aussi béatement inconditionnel !
Quand une opposition au régime ou aux élections organisées par le régime devient circonstancielle et, donc, varie en fonction de ce que font les autres ou parce qu’un frère, un ami ou un membre de son ethnie ou de sa province serait candidat, l’on doit automatiquement conclure que cette opposition n’a jamais été une opposition de convictions basées sur des principes républicains inviolables, mais plutôt une opposition de circonstances guidée par la seule émotivité de ceux qui dansent la bamboula de la mangeoire : il s’agit ici, simplement, de se positionner, et ce sont les mêmes qui, demain, iront aux dialogues convoqués par les Bongo pour pondre, après, des « mémorandums » à vous donner la diarrhée. Puis, élections perdues, ce sont les mêmes qui iront pleurnicher à genoux devant la même communauté internationale qu’ils accusent de soutenir Ali Bongo.
Il en va de même pour ceux qui se réclamèrent de la fameuse « DTE » en 2015 et 2016. Quelqu’un qui s’est défini comme « DTEiste » en 2016 ne peut jamais devenir électoraliste en 2023 car les mêmes raisons qui l’ont poussé à la DTE en 2016 restent valables en 2023. C’est parce que, au final, les principes idéologiques de la DTE (Destitution, Transition, Élections) restent inébranlablement basés sur les mêmes certitudes, celles-là même qui proclament que rien de bon ne peut se passer au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir et, donc, que le Gabon ne changera jamais ni par la bonne volonté des Bongo, ni par le miracle de Jésus-Christ, et encore moins par des élections perdues d’avance. Si le Gabon doit changer, ce sera uniquement par la force démocratique de la rue, un point un trait.
C’est cette inébranlable conviction du ou de la « DTEiste » qui fait que quels que soient le contexte, le temps, les protagonistes et les circonstances, tant qu’un Bongo sera au pouvoir et tant qu’il n’y aura eu aucune réforme digne de ce nom à même de garantir le Gabon digne et démocratique de demain, le cri de ralliement restera toujours « la rue », un point c’est tout. Aucun « DTEiste » ne peut donc aller à aucune élection sans qu’il ait été, au préalable, procédé à une réforme tant de la Constitution que des institutions qui participent au déroulement des élections, et cela passe, obligatoirement par la mise en indépendance tant de la Cour constitutionnelle que de la Commission électorale. Pour arriver à une telle réforme, il faut non pas un dialogue, mais, plutôt, une révolution.
Si, donc, quelqu’un qui en 2016 se disait « DTEiste » ou opposé aux élections venait tout d’un coup à se proclamer électoraliste en 2023 en utilisant des arguments irrationnellement alambiqués, il faut, automatiquement, conclure que cette personne n’a jamais été « DTEiste », que son « DTEisme » fut, plutôt, opportuniste, exactement de la même manière que l’électoralisme des pro-élections de 2016 fut opportuniste. Et quand on est opportuniste, on danse la bamboula politique qui mène à la mangeoire des Bongo, où se rongent les cerveaux à l’acide sulfurique. Et quand le cerveau est rongé, on se met à débiter des conneries électoralistes comme, « oh, il n’y rien d’autre à faire, les élections sont là, on doit y participer ». Les « cerveaux rongés » veulent ainsi faire croire aux Gabonais que la seule option qui leur reste est d’aller accompagner Ali Bongo dans des élections perdues d’avance, alors que tout le monde sait que si l’opposition gabonaise mettait la même énergie qu’ils mettent à promouvoir l’élection dans l’organisation de la révolution et, donc, l’empêchement de cette élection par la force démocratique de la rue, les jours des Bongo seraient comptés. Mais nous savons tous que ce ne sont pas les jours des Bongo qu’ils veulent compter. Ce qu’ils veulent compter, ce sont les Bongo-CFA imbibés du sang et des meurtrissures des Gabonais.
Le vrai ou la vraie « DTEiste », dans ce contexte, dira toujours que, comme 2016 fut comme 2009, et 2009 comme 2005, il s’ensuit automatiquement que 2023 sera aussi comme 2005 1998, 1993 et, donc, forcément, comme 2016. Il n’y a dès lors aucun argument électoraliste que l’on puisse donner à un vrai « DTEiste » qui lui ferait changer d’avis sur l’impossibilité de l’opposition, quelle qu’elle soit, de prendre le pouvoir au Gabon suite à une participation béate et inconditionnelle à des élections perdues d’avance.
Mais le vrai « DTEiste » ne fait pas que s’opposer passivement aux élections. Le « DTEiste » ne fait pas non plus la promotion du boycott car ne pas participer et boycotter sont toutes deux des positions électoralistes canalisées par le calendrier électoraliste des Bongo, celui-là même qui sert de piège à crapauds à tous les électoralistes du Gabon depuis 1990. Ce que le « DTEiste », lui, fait, donc, c’est s’atteler à une seule chose : continuer de s’organiser et de se préparer, loin de toute improvisation, non seulement pour empêcher la tenue de toute nouvelle élection au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir, mais aussi rechercher la chute immédiate des Bongo car il n’y a pas mille méthodes, il n’y a pas mille solutions, il n’y a pas mille voies, mais une seule : La rue.
Pr Daniel Mengara
Président, « Bongo Doit Partir ».