Je ne sais pas si nous nous rendons compte de la gravité de la situation actuelle au Gabon.

Quand un jeune homme, dans un pays où l’impunité, la corruption et la mal gouvernance règnent en maîtresses absolues, décide de prendre arme et otages pour cause de désespoir face à l’indifférence de ceux qui dirigent le Gabon, nous ne sommes plus loin d’une situation où chaque citoyen se sentirait désormais obligé de se rendre justice lui-même.

C’est ce que l’on appelle l’état de jungle, la loi de la jungle, qui ne survient que dans le sein des États faillis. Or, aujourd’hui, le Gabon, sous les Bongo, est un État failli, dont la gouvernance échoit désormais à Sylvia Valentin. C’est elle qui dirige maintenant le Gabon. Elle s’est arrogé les prérogatives présidentielles et ne maintient son moribond d’époux au pouvoir, mais sous perfusion, que pour le seul but de continuer à piller notre pays dans le cadre d’un système et d’un régime que nous savons décadents.

Cette fois-ci, c’est la vie de Glenn Patrick Moundendé qui a été prise. Mais cela aurait pu facilement finir dans une situation de vie pour vie, dent pour dent, vies de multiples gendarmes contre vie de Glen-Patrick Moundendé. Tout cela à cause de l’entêtement meurtrier d’une seule famille, d’un seul clan ?

– Entre les arbitraires fonciers par lesquels l’on arrache désormais des terres aux Gabonais au profit des hommes et des femmes de pouvoir, en toute impunité,

– Entre les crimes rituels et les enlèvements d’enfants jamais résolus ni punis,

– Entre les coupures d’eau et d’électricité, choses incompréhensibles dans un pays avec la richesse du Gabon,

– Entre les tueries politiques où l’on assassine désormais des compatriotes dans les QG des opposants politiques, sans enquêtes et en toute impunité,

– Entre le siphonage généralisé des ressources de l’État et la paupérisation systématique des Gabonais par ceux qui pillent en toute impunité les coffres de l’État pour se construire des villas à plusieurs milliards de CFA ou s’acheter des robes à 15.000 euros et des Maybachs à 150 millions de francs CFA, pendant que le reste du peuple vit dans la souillure des rats et des moustiques dans les matitis,

– Et j’en passe….

Comment s’étonner qu’un jeune homme, jusque-là père de famille responsable, pète les plombs et fasse le tragique choix de se suicider au vu et au su de tout le monde pour attirer l’attention de la nation tout entière sur le désastre national que représente le régime des Bongo-Valentin, et ce à la veille d’une élection comme celle qui se prépare, et dont les conséquences sont inévitablement la reconduction inéluctable de ceux-là mêmes qui sont la cause de son désarroi ? Ils l’ont froidement, lâchement, assassiné, pour le faire taire, pour taire son message, mais ce message ne peut mourir car tous les Gabonais subissent les mêmes meurtrissures.

De mémoire, au Gabon, c’est bien là l’une des rares fois où un compatriote se sera décidé de prendre activement sur lui-même de se faire justice, au prix de sa vie. Les témoignages vidéo et audio laissés par Glenn Patrick Moundendé en sont le testament le plus parlant. Il est mort pour son pays. Il a fait le choix de mourir pour son pays. Il n’en pouvait tout simplement plus.

Dans les pays sahéliens, l’intégrisme religieux et les fanatismes qui enfantent des groupes jihadistes n’ont qu’une seule cause : la pauvreté et la paupérisation généralisées dans le contexte d’États et de régimes faussaires et prédateurs qui se maintiennent au pouvoir contre la volonté de tous, et qui utilisent l’argent de tous pour alimenter la corruption qui appauvrit la destinée de tous, ne laissant dans le sillage dévastateur de cette pratique que les désespoirs qui mènent aux jihadismes, aux prises d’armes, aux coups d’État et aux guerres civiles.

Glenn Patrick Moundendé vient de nous dire que la reconduction des Bongo au pouvoir – y compris par la complicité de ceux de l’opposition qui ont décidé de les accompagner à cette élection d’août 2023 alors même qu’ils savent que tout ce qu’ils feront, c’est entériner la pérennité du pillage du Gabon par les Bongo au cours des 5 prochaines années – représente une véritable trahison envers le peuple et la nation.

Au-delà de la tristesse que nous éprouvons tous pour la disparition si tragique de ce jeune compatriote devenu martyr de la République, nous nous devons de nous saisir de son message. Il n’a pas dit « allons voter » car il sait et savait que le vote au Gabon ne servait plus à rien. Il a pris son arme pour enclencher, à sa manière, son combat, et le terminer, à sa manière, au prix de sa vie.

La prise d’arme, en son sens le plus classique, surtout quand elle s’exprime contre un État, est avant tout un acte révolutionnaire. C’est donc à la révolution que ce jeune homme a voulu appeler son peuple, un peu comme le jeune lieutenant Kelly Ondo Obiang le fit le 7 janvier 2019 lorsqu’il prit les armes dans une tentative de coup d’État qui n’échoua que parce que personne au sein de notre classe politique ne voulut accompagner son geste en appelant les Gabonais à la rue. Glenn Patrick Moundendé nous appelle à suivre son exemple, non pas nécessairement avec des armes, mais avec tous les moyens à notre disposition. Le principe sous-jacent est la révolution, dont le plus simple, le moins coûteux, le plus rapide et le plus facile à mettre en place demeure la force démocratique de la rue.

Au moment où certains s’activent à aller donner un troisième mandat à Ali Bongo, ces complices de la meurtrissure du Gabon sous les Bongo comprennent-ils véritablement le sens du sacrifice, le sens du message de ce jeune homme, le sens du message de cet énième martyr gabonais – Glenn Patrick Moundendé – si près des élections présidentielles perdues d’avance que les Bongo-Valentin s’apprêtent de nouveau à enfoncer dans la gorge des Gabonais en le 26 août fatidique qui pointe déjà à l’horizon?

Pr Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir – Modwoam

https://bdpmodwoam.org
https://congrescitoyen.org